Appel à la réconciliation – Foi musulmane et valeurs de la République française

oubrou

De nos jours, il n’est plus nécessaire de présenter notre auteur aux lecteurs de la revue. Avec ce livre, il en est déjà à son 9ème ouvrage. Il a déjà suscité des oppositions. En mai 2016, l’Etat Islamique lançait déjà une fatwa contre lui, appelant à son assassinat. Conscient de tout cela, il fait face à lui-même et aux conséquences de ses écrits, en toute honnêteté. « J’ose dire … » mentionne-t-il une fois (p.55) ; ou encore il fera mention « des critiques virulentes qu’il a déjà subi » (p.159) ; Et au début de son chapitre 7, il peut reconnaître que ce sera le plus difficile à aborder pour lui : « Je ne me sens pas totalement en conformité avec tout ce que je vais y aborder » (p.189). Voyons donc quelques grands axes de ses chapitres

Il veut se faire l’avocat d’une réconciliation sociétale entre les musulmans, à la fois société et religion, et la France laïque. Et cette réconciliation passera par un renouveau de l’Islam dont il veut ébaucher quelques traits. Il invite donc les musulmans et l’islam à « remettre ses pendules à l’heure », si l’on peut dire. « Tout dans le Coran n’est pas praticable » titre son premier chapitre. Croire le contraire est une ineptie, une croyance absurde. Selon lui, « ce sont les commentaires qui sauvent les textes » Il faut donc rétablir le droit et la nécessité du doute (chap.2).  « Dieu selon le Coran préfère un croyant qui doute et s’interroge avant d’obéir » (p.55). « Il ne nous a pas été demandé d’avoir la vérité mais de la chercher » (p.174). «  Le vrai musulman est celui qui fait les choses avec cœur » (p.97) et qui va au-delà « d’une obsession de la loi. » (p.114).

Il y a une tradition musulmane selon laquelle tous les non-musulmans sont des « mécréants », voués au châtiment. Mais en fait, « l’humain est essentiellement bon » (chap.5). On peut être divisés sur bien des sujets mais « notre destin terrestre commun nous invite à nous unir » (p.161). Tous les humains sont d’une égale dignité ; il faut en finir avec ce mépris de l’autre (p.184). Si aucun ne peut être exclu en raison de cette mécréance, il y a cependant une « méfiance radicale pas toujours compatible avec la foi. » (chap.7). Cette méfiance de la part du français ordinaire prends la forme de préjugés sur le musulman et l’Arabe souvent qualifié de « fourbe » ; ces préjugés se transforment sous la forme d’une crédulité à l’égard des migrants qui deviendra alors méfiance totale (p.194).

Dans un tel contexte, les musulmans ne doivent pas tomber dans un islam identitaire qui ne parlera que des « nous » les musulmans. Chacun devra réfléchir d’une manière autonome et responsable où le « JE » de chaque personne ne disparait pas dans un « NOUS » commode (p.209-211).

L’islam est aussi souvent pensé comme un tout indissociable avec le temporel et le spirituel imbriqué (chap.10). Certains prennent la Shariah comme le fondement de l’organisation sociétale et politique de nombreux Etats. Selon notre auteur, voilà une dimension plus affective qu’effective (p.273). Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de retrouver les originalités islamiques dans tout système politique. Si aux origines, il y avait ce « tout », il ne faut pas chercher à y retourner mais « extraire l’âme de l’islam du corps d’une civilisation devenue cadavre » (p.274).

L’avenir pour tous et toutes sera dans une visibilité discrète de l’islam (chap.11). Toujours selon notre auteur, dans le passé, avant même l’islam,, les Arabes ont eu leur heure de gloire. Ils ont été, par le biais de la culture grecque en décadence, les maîtres et éducateurs de l’occident latin ; à tel point qu’on peut dire que la civilisation arabo-musulmane fait partie de son identité (p.282). Tout ceci ne peut que nous encourager à chercher les ressemblances et non les différences (p.308).

Dans une interview avec Catherine Gollian, Tareq Oubrou mentionne qu’il a écrit ce livre d’abord pour les musulmans. C’est tout à fait l’impression que l’on ressent à la lecture de ce livre un peu volumineux. Il a une conviction qu’il ne défends pas assez, à savoir que « l’appartenance à la communauté nationale française l’emporte sur celle à la communauté spirituelle musulmane » (p.339). C’est pourquoi, il se fait ici ou là l’avocat d’une visibilité discrète. Il demande ainsi beaucoup de choses à ses frères et sœurs musulmans. Mais que demanderait-il aux français ordinaires ? Il manquerait un autre chapitre à son livre pour qu’il reflète véritablement une réconciliation entre les valeurs républicaines et la foi musulmane.

Les dernières lignes de ce livre intéressant valent la peine d’être citées : « Je ne me fais pas d’illusions sur ce projet, tellement les obstacles sont nombreux. Et si je défends son existence, c’est par principe et parce qu’elle est nécessaire. La France mérite d’avoir une institution religieuse musulmane capable de porter une parole audible : celle d’un Islam spirituel, d’apaisement, de concorde et de réconciliation » (p.347).

Gilles Mathorel

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