Les Assassins. Terrorisme et politique dans l’Islam médiéval
Ce petit livre de 234 pages est relativement ancien puisque l’édition originale en anglais remonte à 1967. Mais comme il s’agit d’un livre qui se veut historique, il est toujours d’actualité. Et de fait, ce regard sur le passé de l’islam et des musulmans ne nous laissera pas indifférent à ce qui se passe aujourd’hui. Pour la « petite histoire » prenons note que Bernard Lewis, l’auteur est décédé en 2018 tandis que le préfacier, Maxime Rodinson est décédé en 2004.
Il est très difficile de connaître l’histoire exacte des premières communautés musulmanes. La grande scission entre Sunnites et Chiites nous est bien connue. Mais la « petite histoire », les rivalités entre les différentes tribus ou communautés villageoises nous l’est moins par manque de données fiables. Le premier chapitre du livre nous laisse entrevoir que ce fut une histoire mouvementée et que plusieurs sectes ont vu le jour, notamment la secte des Ismaéliens d’où sortiront les fameux « Assassins ». Nous voyons ainsi se manifester quelques-unes de leurs actions tellement retentissantes que ces derniers vont occuper pour longtemps une place dans l’imaginaire socioreligieux de bien des époques. Ils ne laisseront personne indifférent. Et c’est ainsi que Maxime Rodinson pourra conclure sa préface : « Le monde musulman que nous connaissons a été édifié sur les ruine de l’ismaélisme vaincu » (p.31) De son côté, Bernard Lewis n’hésitera pas à conclure son livre avec ces mots : « La vague d’espoir messianique et de violence révolutionnaire qui les avait portés, continuera de rouler, et leurs méthodes et idéaux ont trouvé nombre d’imitateurs. » (p.208)
Les autres chapitres vont nous montrer que cette vague des Assassins va continuer tout au long des années et se manifestera avec des accents différents comme nous le montre les qualificatifs qu’on leur a accolé : « fanatique » (45 & 97) « terroriste » (48 & 195) « meurtrier » (51 & 197) « dissident » (65) « extrémiste » (71) « secret » (72 & 97) « tueurs et conspirateurs » (138). Malgré tout, ils agissent ainsi alors qu’il y a des chefs et des leaders. Parmi eux, on trouve Hasan-i Sabbah, un chef que nous connaissons mal. Il savait être chef de guerre mais aussi menant parfois une vie ascétique, sobre et pieuse (p.85 & 92). Selon certains, ce dernier pouvait même se targuer d’une descendance spirituelle avec la maison du prophète. Le fort d’Alamut sera son lieu de résidence et sa forteresse imprenable. (p.128) Et si nous portons un regard d’ensemble, il semble que les Ismaéliens (avec les Assassins) auront été la première organisation efficace et durable dans l’atmosphère trouble de l’époque. Ils étaient une association qui pouvait apporter réconfort et sécurité (p.193/194).
Ce livre est intéressant mais pas si facile à lire. D’un côté il nous renseigne sur des pays et des périodes historiques que nous connaissons peu ou mal. De l’autre, il nous rappelle aussi que si les Sunnites sont importants, ils ne sont pas les seuls musulmans. Il y a aussi les Chiites et leurs manières de vivre l’Islam. On aurait cependant une remarque quant à la longue préface de Maxime Rodinson. C’est un long texte d’une trentaine de pages sans sous-titres. Dès la page 8, il mentionne son intention « de prolonger quelque peu le beau livre de B. Lewis ». Il l’a tellement bien « prolongé » que son texte aurait été mieux place en « postface » au lieu de préface
Père Gilles Mathorel