Chrétiens et musulmans : quel dialogue aujourd’hui ?

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De nos jours, nous devons faire face, non seulement à une multiplicité de langues, mais aussi une pluriculturalité entre les habitants d’un même quartier, d’un même immeuble. Alors, comment se rencontrer et dialoguer    ? C’est le souci de beaucoup et auquel ce dernier numéro des Cahiers essaye de donner une réponse en ce qui concerne la rencontre islamo-chrétienne.

Il a une très claire orientation. Sa démarche débute par un regard sur la rencontre au niveau des hommes de notre temps et, seulement en fin de parcours, se situe la réflexion plus théologique. Par l’intermédiaire des expériences religieuses concrètes des uns ou des autres, il va donc nous interpeller (p. 14). Nous sommes ainsi stimulés afin de trouver notre propre chemin de rencontres et de dialogues. Nous ne devrons plus nous situer comme des représentants d’une autre religion : il n’y aura plus « nous » et « eux » (p. 10), mais des « je » qui doivent s’exprimer (p. 63).

Ce Cahier va donc s’efforcer de donner la parole aux expériences variées de rencontres entre musulmans et chrétiens comme à Nantes, Roubaix, Marseille et dans les Yvelines. Ici, on va souligner que c’est l’entraide qui rapproche chrétiens et musulmans (p. 25). Chez un autre, on discerne une tension en raison du lien encore trop serré entre les musulmans d’ici et leur propre pays d’origine (p. 31). Dans un autre lieu, on nous présente quelques échos d’une rencontre partage entre un prêtre et un imam (p. 34). Enfin, on pourra lire avec émotion ce témoignage d’un papa, membre de l’ACO et dont le fils vient de se convertir à l’islam. Il pourra dire à son sujet : « Je suis ébahi de tout ce qu’il connait sur sa religion » (p. 41-43).

Les témoignages d’expériences se continuent. Sans faire partie d’une structure de dialogue, certains ont été amenés à rencontrer des musulmans au milieu de leurs activités comme Marc André engagé dans le service des réfugiés (p. 47-50). Sœur Elodie fait une relecture de son ministère à la lumière du témoignage de Charles de Foucauld. Elle a été frappée par la portée des mots et termes qui sont utilisés dans leurs rencontres. Il faut travailler à un recueil patient et respectueux des mots de l’autre tradition religieuse, travailler au sens des mots en vivant une expérience commune qui permettra à la confiance de s’instaurer (p.51-57). Aminata est juste une jeune comme beaucoup d’autres ; mais, depuis 4 ans, elle est un membre actif de l’association de jeunes « Coexister » et se frotte à tous les préjugés qu’elle rencontre (p. 58-61). Cette partie des témoignages se termine par un débat à trois voix entre deux mamans catholiques et une musulmane (p. 62-67).

Après avoir lu et entendu ce qi se passe « sur le terrain », le moment est propice pour essayer d’approcher les enjeux théologiques pour le croyant comme pour le citadin. Le lecteur pourra s’attarder sur les 10 pages de l’article de Colette Hamza : comment concilier les désaccords entrevus ? Sont-ils des obstacles infranchissables ou des défis porteurs de fécondité ? L’article donne des éléments de réponse. Nous sommes maintenant dans le domaine des experts qui doivent trouver « des zones de convergences en dépit des divergences fondamentales » (p. 84). A partir de cet Islam toujours présent six cents ans après Jésus Christ, on peut se mettre au diapason du Bienheureux Christian de Chergé : « Dire Dieu autrement n’est pas dire un autre Dieu » car la vérité chrétienne n’est pas un dogme fixe dans son expression mais une personne vivante (p. 85-87). C’est alors l’altérité qui nous montre un chemin de progression. Car, en approchant cet autre, peut se produire « un dévoilement de ce que je ne connaissais pas encore de Dieu et du Christ » (p. 89). C’est là, nous dit l’auteur, une « théologie balbutiante qui cherche à nous dire ce qui nous unit, et nous aide à accueillir nos différences sur le fond d’une unité toujours plus grande » (p. 91).

Vincent Feroldi et Omero Marongiu-Perria réussissent un « petit miracle ». Ils nous donnent « à deux mains » une seule contribution sur le dialogue comme constitutif de la foi. Ils font références aux textes fondateurs comme le Coran et les textes magistériels de l’Eglise. Plus difficile à suivre sont leurs références aux récentes déclarations musulmanes comme Al-Azhar en 2014 et Marrakech en 2016, sans oublier la récente déclaration d’Abu-Dhabi en 2019. En nous présentant les thèmes majeurs de ces déclarations, ils nous invitent à ne pas oublier qu’on ne peut parler à Dieu sans savoir parler aux hommes (p.96). Ils concluent en s’appropriant l’une des conclusions d’Abu-Dhabi cherchant à faire de la culture du dialogue un chemin, de la collaboration commune, une conduite, de la connaissance réciproque une méthode (p. 98).

Nous avons donc là un fascicule facile à lire. Il pourra nous aider à améliorer et à approfondir nos occasions de rencontres et de dialogues avec nos frères et sœurs musulmans. On aurait pu néanmoins espérer un traitement un peu plus clair de la découverte de l’altérité à partir des différences. Nous ferons nôtre la conclusion de Bernard Stephan : la rencontre et le dialogue seront toujours difficiles. Mais il s’agit surtout d’un cheminement avec « la fraternité et la solidarité pour horizon quotidien » (p. 120).

Père Gilles Mathorel

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