Le Coran, une histoire plurielle. Essai sur la formation du texte coranique

deroche

François Déroche est un islamologue hautement qualifié. Au Collège de France, il est titulaire de la chaire « Histoire du Coran. Texte et transmission »…

Il nous offre avec ce livre une présentation très scientifique des origines du Coran sous sa forme non seulement écrite mais aussi orale. Il nous fait des analyses très serrées de différents parchemins retrouvés, nous donnant des extraits ou même parfois la totalité du Coran. C’est dire qu’on ne profitera pas à fond de ce livre sans, d’une part, une certaine connaissance de l’islamologie et, d’autre part, une compréhension de la langue arabe, écrite et parlée depuis le 7ème siècle.

Cet ouvrage met en évidence toute la complexité des origines du Coran. Nous sommes face à une Parole divine reçue par le prophète Muhammad. Pour pouvoir la transmettre, il y aura deux voies possibles.

D’une part, il y a la transmission orale, tradition séculaire de la culture et de la sagesse arabe de l’époque. Et à côté de cela, il y a l’écriture qui cherche à prendre sa place. Mais l’oralité est certainement plus populaire que l’écrit qui, à cette époque, n’a pas tous les outils nécessaires pour rendre les nuances de l’oralité. Ce n’est que progressivement que l’écrit va trouver une place face à l’oralité. Cette forme écrite du Coran présentera des avantages. Elle va sécuriser les croyants ; elle est un rempart de sécurité contre le péril majeur de certaines variantes ; elle éliminera les risques de division entre partisans de l’une ou l’autre version écrite ; elle évitera que cette parole de vie ne tombe dans l’oubli. Aux côtés des formes orales vont donc se trouver une floraison de parchemins retranscrivant de petites compilations de versets. Il arrivera un moment où la nécessité d’une version unique se fera sentir. Elle se fera sous l’autorité d’Uthman, le 3ème Calife. Ainsi va naître un texte de référence jouissant pour ainsi dire d’un statut officiel.

A strictement parler, il ne semble pas qu’il y ait grand-chose de nouveau ou d’extraordinaire dans cette étude de François Déroche. L’intérêt est que tout ce qui y est écrit est étayé par une étude précise de l’un ou l’autre des manuscrits d’autrefois et retrouvé. L’auteur fait renaître devant nous toute la floraison de textes écrits comme mémorisation du Coran reçu de Muhammad. Il soulignera alors « le caractère massif de la tradition manuscrite. » (p. 228) Il fait ainsi revivre devant nous quelques aspects de toutes ces décennies aux origines de l’histoire du Coran, avant que ne s’impose aux croyants de l’islam un littéralisme paralysant face à la version unique et officielle du Coran.

De ces 274 pages on pourrait conclure avec ces quelques remarques :

  • Aux origines, s’il n’y a toujours eu qu’un seul Coran, en revanche, il n’y a jamais eu qu’une seule version des paroles recueillies par Muhammad.
  • Le Coran s’est transmis, dès le temps du Prophète, sous des formes variées, ce dernier privilégiant souvent le contenu du message sur la forme du texte.
  • L’oral et l’écrit ont continué à être utilisé, souvent conjointement, comme outil de transmission et mémorisation du Coran.
  • Les recherches et études doivent se continuer. De nouvelles données historiques pourraient toujours se faire jour, la dernière en date étant de 1973 à Sanaa, au Yémen.
  • Dès le début de l’islam, les croyants musulmans n’ont pas été aussi passifs qu’on pourrait nous le laisser croire. Il y a eu toute une floraison d’écrits du Coran. Dès le 7ème siècle, il y eut selon l’auteur « un engagement massif de l’islam pour la production de quantité énormes du Coran (p. 180). Il parle plus loin du « caractère massif de la tradition manuscrite (p. 228).

Voilà donc un écrit scientifique qui n’est pas facile à lire en raison de toutes ses références à la langue arabe. Mais c’est un livre très bénéfique qui nous initie à la richesse culturelle et religieuse des premiers musulmans du temps du Prophète jusqu’à nos jours. La foi musulmane a été plus vivante et dynamique que certains voudraient nous le faire croire.

Gilles Mathorel

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