Romain Caillet et Pierre Puchot, « Le combat vous a été prescrit ». Une histoire du jihad en France

caillet

Résultat d’un long travail d’investigation dans les milieux du renseignement et du jihadisme, complété par des études de sources judiciaires et policières, cet ouvrage peut être considéré comme la première « histoire contemporaine du jihad en France ». Il est le fruit d’une belle collaboration entre un historien-chercheur, spécialiste de la mouvance jihadiste contemporaine et des réseaux sociaux, Romain Caillet, et d’un écrivain-journaliste, spécialiste du Maghreb et du Moyen-Orient, Pierre Puchot.

Il permet au lecteur de découvrir que, tout en restant ultra-minoritaire au sein du monde musulman, la « culture du jihad » s’est développée depuis près de trois décennies, bâtissant ses propres références politiques, théologiques et militaires, et permettant à des jeunes de terroriser aujourd’hui nos contemporains par haine de la France et adhésion à une idéologie valorisant les héros et les martyrs.

Un premier chapitre traite du salafisme dans ses deux composantes : quiétiste et jihadiste, de ce qui les unit et ce qui les sépare. Sont bien expliquées des notions et concepts comme la hijra (émigration vers une terre d’Islam), la taqiyya (dissimulation) ou l’al-wala wa-l-bara (‘l’alliance et le désaveu »).

Il s’agit alors de mesurer l’influence qu’ont eu au fil des décennies, sur des jeunes, des mouvements comme le FIS (Front islamique du salut), le GIA (Groupe islamique armé) ou le jihad tchéchène. Souvenons-nous des réseaux Chalabi ou Kelkal, du « gang de Roubaix » ou de la filière des Buttes-Chaumont.

Mais un autre facteur va permettre l’essor de cette idéologie, à savoir Internet, avec ses forums et ses réseaux sociaux (Twitter, Facebook, « la nouvelle machine à recruter des jihadistes », Telegram, « réseau social sécurisé mais à l’accès restreint »), vecteurs de l’explosion du phénomène jihadiste (ch. 3).

Nous passerons ainsi d’une génération jihadiste, formée lors de séjours de longue durée en Afghanistan ou au Yémen, proche d’Al-Qaida, à une nouvelle génération 2.0 de jeunes militants, parfois mineurs, recrutés en quelques jours via Telegram pour passer à l’acte immédiatement. Les uns et les autres auront été marqués par des figures emblématiques que les auteurs évoquent sous deux vocables : les idéologues prédicateurs, comme Adrien Guihal et Thomas Barnouin, et les recruteurs opérationnels, comme Fabien Clain et Rachid Kassim.

Selon les auteurs, il est clair qu’aujourd’hui, les partisans du jihad ont sécrété une idéologie qui va perdurer car elle a sa logique religieuse et présente une vision du monde qui a toute sa cohérence. S’inspirant directement du réformisme prêché par Muhammad ibn Abd al-Wahhab, au XVIIIe siècle, et du hanbalisme médiéval d’Ibn Taymiyya (1263-1328), elle se renforce avec le sentiment perçu d’humiliation et de discrimination, en provenance des institutions et des Etats. Elle se nourrit du conflit israélo-palestinien et des politiques changeantes des dirigeants occidentaux prêts à oublier l’éthique quand les enjeux économiques et commerciaux sont en jeu.

Un ouvrage à lire, surtout si l’on est amené à travailler avec des jeunes ou à rencontrer des familles où des jeunes se sont radicalisés.

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