A Montpellier, comme François et le Sultan…
A l’appel des Fraternités franciscaines religieuses et laïques de Montpellier et de la région, chrétiens et musulmans se sont retrouvés le dimanche 29 septembre 2019 dans la mosquée Averroès pour évoquer et pour revivre l’incroyable rencontre de Saint François et du Sultan Malik-al-Kamil, il y a très exactement 800 ans…
Après le couscous servi à quelque cent cinquante invités par d’aimables jeunes hommes et femmes familiers de la communauté, s’est tenu le colloque, une fois les chaussures déposées aux portes. On n’oublie pas qu’Averroès, « le Thomas d’Aquin de l’Islam », n’avait jamais opposé la science et la foi.
Le frère Dominique Pacreau, ofm, mit tout son art à conter la scène dont on fête le jubilé : « C’était en pleine croisade, et François avait traversé les lignes de combattants pour aller parler personnellement au chef des forces adverses assiégées et tâcher de le convaincre de se faire chrétien. Une démarche que le Sultan avait accueillie avec courtoisie, répondant à l’audace de ce pauvre moine sans armes qui lui parlait de sa foi ».
Ce n’était donc pas en croisés en terre d’Islam ou en adorateurs d’Allah en pays de vieille chrétienté que se sont réunis autour de l’imam Ridouann de la grande Mosquée de la Paillade et de Mgr Pierre-Marie Carré, archevêque de Montpellier, qui avait le matin même présidé l’eucharistie en l’église de ce quartier majoritairement musulman. C’était en frères croyants.
La première sourate, la « Fatiha », ouvra la proclamation du Coran, donnant à chaque verset le ton à ne pas perdre, comme la clé en tête de toute la portée musicale : « Au nom d’Allah le bienfaiteur miséricordieux ». A sa psalmodie en arabe répondirent les voix des chrétiens présents, récitant ensemble les « Louanges à Dieu » de François d’Assise.
Impressionnés par le profond silence entre les appels à la prière et le chant des versets du Coran auxquels certains d’entre eux assistaient pour la première fois, catholiques et protestants ont écouté des témoins des deux religions parler de leurs expériences inter-communautaires. Sœur Marie campa la figure de Saint François opposant aux guerres inter et intra-religieuses le pari de la confiance réciproque dans la pauvreté spirituelle et matérielle. Madame Dalila Boualleg, juriste à Montpellier, mit le dialogue d’aujourd’hui comme au temps de François dans la lumière du « pacte de Médine », lorsque Mohammad appela musulmans, juifs et chrétiens à se respecter comme membres divers de la même « ummah » et à vivre ensemble au lieu de s’entre-tuer. C’est dans ce même sens que milite Madame Danièle Lafont, venue parler de l’Association islamo-chrétienne « Le Gaic ». Enfin Madame Renard, directrice de l’école primaire de la Paillade, témoigna de l’ouverture aux autres des enfants, inspirés par leur foi spontanée.
Trois extraits de « Le Prophète », que le poète libanais Khalil Gibrann a écrit en anglais avant d’être traduit dans toutes les langues dont bien sûr l’arabe, rythmèrent les interventions prévues, sur « le don », « l’amitié » et « la prière ».
De retour de l’Irak et du Liban, où les jeunes volontaires d’Offrejoie se mêlent toutes confessions confondues, pour rebâtir la paix au Moyen Orient, le P. Jean Rouquette évoqua ce quartier de Tripoli dont les habitants se faisaient hier encore la guerre et qui ont peint ensemble cet été la fresque de François et du Sultan, avec ces mots d’Al Malik qu’il aurait dit au moment des adieux : « Ne m’oublie pas dans ta prière, pour que Dieu daigne me révéler quelle est la loi et la foi qui lui plaît le plus ».