Liberté de conscience et fidélité dans la foi
Une journée de formation sur le dialogue chrétiens-musulmans a eu lieu le 4 février 2018 à La Roche-sur-Yon sur le thème : « Liberté de conscience et fidélité dans la foi ». 110 personnes se sont retrouvées un dimanche, choisi afin de permettre à des personnes juives d’y participer. Le père Vincent Feroldi, responsable du Service National pour les Relations avec les Musulmans (SNRM), et Monsieur Omero Marongiu-Perria, sociologue musulman, étaient les intervenants.
Vincent Feroldi a évoqué l’évolution de l’Eglise catholique pour une culture de la rencontre dans le respect de l’autre. Pour lui, nous nous trouvons dans une période de l’humanité où nous changeons de modèle de pensée, de paradigme. Il y a différentes manières de nous comprendre.
C’est d’abord l’approche biblique. Dieu est unique, nous sommes divers. Dieu seul est parfait ; nous sommes habités d’un manque.
Puis, en citant le Christ Serviteur, source de vie et de lumière, il aborda le paradigme évangélique : « J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cet enclos et celles-là aussi il faut que je les mène » (Jean 10, 16).
Nous devons aussi nous penser comme citoyens égaux en droits : c’est le paradigme des droits de l’Homme.
Il y a aussi le paradigme conciliaire car Vatican II a ouvert une voie décisive avec la Déclaration sur la liberté religieuse et Nostra Aetate qui voit dans les religions non-chrétiennes un rayon de la vérité qui les illumine.
Le pape François enfin nous encourage au paradigme de la fraternité en vivant « l’ouverture du cœur et la culture de la rencontre », en profitant de toutes les occasions et en pratiquant ensemble, chrétiens et musulmans, le dialogue des œuvres au service des démunis et des discriminés.
Omero Marongiu-Perria, quant à lui, s’est interrogé sur « la foi au défi de la liberté : quels enjeux pour l’islam contemporain ? ». Il constate que l’être humain est libre de ses convictions et de ses choix. Sa responsabilité consiste avant tout dans la prise en compte de la figure de l’Autre, comme partie intégrante du Soi. Comment faire société dans la pluralité des convictions ? A partir de quelles valeurs d’universel partagé ?
Constatant que les textes sont manipulables, il questionne : « Pourquoi, dans le monde musulman, y a-t-il une tendance à penser la relation à l’autre dans une exégèse coranique médiévale ? » Au Moyen Age, l’identité était en effet communautaire.
Il est nécessaire de renouveler l’interprétation des textes de l’Islam car le « paradigme hégémonique » manifeste une vision issue de Moyen Age et qui est en décalage complet avec les avancées de la modernité.
Les Etats-nations se sont appuyés sur les identités religieuses pour combattre le communisme. C’était par exemple le cas de l’Egypte, sous Anouar El Sadate, ce qui a favorisé l’essor des groupes islamistes et du wahhabisme. La Déclaration islamique des droits de l’homme et la Charte des droits de l’Homme de la Ligue arabe, édictées durant les années 1980 et 1990, ne respectent pas le principe du respect de la liberté de conscience, tel qu’édicté par la Déclaration des droits de l’Homme de 1948.
Il convient selon lui de distinguer le Coran de l’Islam en tant qu’institution religieuse, car ce que la dernière produit comme interprétation des textes ne représente qu’un travail humain toujours perfectible et qui doit être sans cesse poursuivi.
L’éthique correspond à ce qu’il est bon de faire tandis que la morale correspond à ce qu’on doit faire, la norme. Or cette dernière fragilise. Quand on se déplace vers l’éthique, on se responsabilise. Il faut donc renouer avec une forme universelle, un universel partagé, « un espace collaboratif entre des hommes et des femmes capables de construire une échelle commune de valeurs fondamentales qu’ils s’interdisent de transgresser ».
Concluons. Les deux intervenants ont conquis leur auditoire par la clarté, la simplicité de leur propos et surtout par leur manière d’être ensemble qui témoignait de la cohérence de leur message.
Christiane Noël, La Roche-sur-Yon