Christophe Roucou, chevalier de l’ordre national du mérite
Monsieur Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur,
a remis les insignes de chevalier dans l’ordre national du Mérite
au Père Christophe Roucou,
directeur du Service national pour les relations avec les musulmans (ex-SRI) de 2006 à 2015,
le mercredi 4 mai à 17h30
à la Maison des évêques de France
avenue de Breteuil
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Le SNRM et tout le réseau des délégués diocésains lui adresse ses plus chaleureuses félicitations
et se réjouit de voir que l’action
en faveur du dialogue islamo-chrétien est reconnue,
par cette remise d’une décoration, comme une œuvre autant spirituelle que citoyenne.
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Merci à toi Christophe pour ce que tu as fait en tant que directeur du SRI afin de promouvoir les relations entre chrétiens et musulmans.
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Réponse du Père Christophe Roucou au discours de M. Cazeneuve (voir l’article de La Croix)
4 mai 2016, Maison des évêques de France
Monsieur le Ministre de l’Intérieur, chargé des cultes,
Acceptez mes remerciements sincères et profonds pour votre présence ici, ce soir, et pour les mots que vous venez de dire.
Monsieur le Conseiller aux affaires religieuses du Quai d’Orsay, cher Jean-Christophe,
Monseigneur Michel Dubost, évêque d’Evry, président du Conseil pour les relations interreligieuses,
Monseigneur Michel Santier, évêque de Créteil, son prédécesseur au même conseil,
Cher Père Gilson, prélat émérite de la Mission de France qui êtes venu me chercher en Egypte au printemps 1999 !
Cher Olivier Ribadeau-Dumas, secrétaire général de la Conférence des évêques de France, qui nous accueillez dans la Maison des évêques et avec qui la collaboration remonte à la Mission étudiante,
Madame la représentante du Chef du bureau des cultes,
Chers proches de ma famille venus de Bordeaux, Cholet, Rennes ou Lille,
Chers ami(es)s qui me faites la joie d’être ici ce soir et que je ne peux pas tous citer,
Parmi les personnes qui auraient aimé être là ce soir, je voudrais évoquer certains membres de ma famille proche, plusieurs évêques dont mgr Hervé Giraud, prélat de la Mission de France, les deux évêques de Marseille mgr G. Pontier et mgr J-M Aveline en route pour leur pèlerinage diocésain à Lourdes, mgr Hippolyte Simon, ami depuis son ordination à Coutances en 1970, mgr Marc Stenger, évêque de Troyes, parmi les responsables musulmans, M.M. Anouar Kbibech, président du CFCM, Mohammed Moussaoui, ancien président du CFCM ou Rachid Lahlou, président du secours islamique, et bien d’autres amis….
Cher(e)s ami(e)s,
Permettez-moi, Monsieur le Ministre, de vous remercier en premier pour cette distinction proposée par vos services. Au-delà de ma personne, la République Française honore quarante années de travail du Service pour les relations avec l’islam (SRI), l’un de mes prédécesseurs, le Frère Gwénolé Jeusset, est parmi nous, de retour d’Istanbul où il vient de passer plus de dix ans. Créé en 1973 par les évêques de France, ce service, devenu en novembre dernier, à juste titre, Service pour les Relations avec les musulmans (SNRM) est aujourd’hui piloté par le P. Vincent Feroldi.
Ce « Mérite » revient tout autant à ceux et celles qui, dans les bureaux du 71 rue de Grenelle, je voudrais ici mentionner Madame Cathy Desfray-Chopick, secrétaire du Service depuis plus de 20 ans, ou comme délégués des évêques dans les diocèses, travaillent à temps et à contretemps pour tisser des liens de confiance et d’amitié entre catholiques et musulmans au sein de la société française.
Je dis catholique par désir de ne pas annexer nos frères protestants représentés ici par la Pasteure Anne Thöni avec qui nous avons beaucoup collaboré durant ces neuf années. C’est à cause des relations avec les musulmans que j’ai été amené à travailler avec nos frères protestants et donc aux relations œcuméniques !
La mission qui m’a été confiée en septembre 2006 par le Conseil permanent des évêques, plus particulièrement par mgr Michel Santier et mgr Yves Patenôtre, prélat de la Mission de France à l’époque, est une belle mission que j’ai eu beaucoup de joie à assumer avec vous, sans oublier les interlocuteurs musulmans dont plusieurs sont devenus de vrais amis,
Cher Tareq Oubrou je suis très touché que tu sois là !
C’est aussi une fonction exposée : entré en fonction le 1° septembre 2006, j’ai vécu mon baptême du feu des Médias à la suite du discours prononcé à Ratisbonne par le pape Benoît XVI, le 12 septembre, et des réactions hostiles qu’il a suscité dans le monde musulman. Mais, « felix culpa », ont suivi des paroles et des gestes du même Pape qui ont permis de relancer relations et dialogues et provoquer la nomination du cardinal Jean-Louis Tauran à la présidence du Conseil pour le Dialogue Interreligieux à Rome, conseil qui avait été fortement fragilisé, les mois précédents !
Durant ces neuf années (2006-2015), pour vivre cette mission j’avais, au moins, deux points d’appui. Le premier, ce sont ces 9 années passées en Egypte, envoyé avec trois autres prêtres de la Mission de France, Jean-Marie Ploux, Jean Toussaint aujourd’hui à Alger et Jean-Marie Spychalowicz toujours au Caire, puis avec Jean-Marie Lassausse aujourd’hui «Le jardinier de Tibhirine ». C’est vraiment pour moi un bonheur grâce d’avoir pu vivre au milieu du peuple égyptien, musulman et copte, surtout à Suez et d’avoir bénéficié de la grâce de l’amitié. Je suis très ému que soit présent ici, ce soir, le premier égyptien à qui j’ai adressé la parole, dans un autobus place Tahrir, lors de ma première visite en Egypte en août 1981, Hicham … c’était il y a 35 ans et l’amitié se poursuit !
En Egypte, j’ai expérimenté que la fraternité est possible non pas malgré les différences mais avec nos différences de culture et de tradition religieuse. J’y ai été témoin que l’Esprit de Dieu anime des hommes et des femmes bien au-delà des frontières de nos Eglises. J’y ai acquis un grand respect pour la foi des musulmans en même temps qu’une aversion chaque fois que le nom de Dieu est utilisé à des fins politiques ou autres.
Le second point d’appui, et c’est important pour un prêtre, c’est la confiance que m’ont témoigné les évêques responsables des relations interreligieuses, successivement mgr Michel Santier et mgr Michel Dubost, tous deux présents ce soir, et à Rome le cardinal Jean-Louis Tauran, ainsi que les évêques successifs de la Mission de France (sept en 35 ans d’ordination). Leur soutien face aux critiques venues tant de l’extérieur que de l’intérieur de l’Eglise nous a permis, avec Colette Hamza et Jean-François Bour notamment, de garder le cap !
Enfin, chers amis, j’aimerais, vous partager trois convictions.
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Si le dialogue interreligieux est passé de mode pour beaucoup, il est plus nécessaire que jamais. Il est de l’ordre d’un combat à reprendre sans cesse. Mais plus encore il relève, pour moi, d’une conviction de foi ; selon les mots de Paul VI, Dieu a pris l’initiative d’un tel dialogue avec l’humanité, il nous appartient à la suite du Christ de le poursuivre.
C’est son fondement mystique et théologique !
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Ayant vécu ma scolarité dans l’enseignement public (au lycée Victor Grignard à Cherbourg), puis responsable de la Jeunesse Etudiante Chrétienne sur l’Ile de France, je n’ai jamais vu de contradiction entre d’une part un engagement et une vie de citoyen et d’autre part un engagement dans la foi chrétienne. C’est aussi ce que notre génération a reçu des prêtres ouvriers ou au travail qui nous ont précédés. Pour ma part, Monsieur le ministre, je n’ai été que prêtre au travail mais pas prêtre ouvrier ! Merci à eux pour le souci de la justice et la liberté intérieure, même quand on assume des responsabilités dans l’institution, qu’ils nous ont transmis.
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Enfin, s’il est important que les responsables des diverses traditions religieuses pratiquent la rencontre et le dialogue, la situation ne changera vraiment que si, à la base, des gens qui s’ignorent ou ont peur les uns des autres se rencontrent. A ce titre, je suis heureux que, ce soir, beaucoup de « gens du terrain », engagés de diverses manières dans des relations entre chrétiens et musulmans soient ici présents.
Pour conclure, je voudrais évoquer nos parents qui ne sont plus là, je crois qu’à travers sa vie de chef de gare de Nantes à Paris, en passant par Fontenay-le-Comte, Chartres et Cherbourg, notre papa nous a sans doute donné le goût des voyages ! Nos parents nous ont aussi donné une ouverture aux autres et au monde, notamment à travers le scoutisme. Je me réjouis que cette ouverture et ce sens du service soient contagieux dans la génération suivante, je pense ce soir à une nièce qui revient du Tchad avec la DCC, un neveu et une nièce qui sont respectivement à Bambari en Centrafrique et à Yaoundé au Cameroun, dans le cadre de la Croix Rouge.
Chers amis,
envoyé aujourd’hui à Marseille, dans le cadre de l’Institut Catholique de la Méditerranée et dans les quartiers nord, j’espère, avec d’autres, avec vous, au double titre de citoyen et de croyant, contribuer à ce que la fraternité, troisième mot de la devise de la République Française, se traduise en actes et dans la vérité, pour reprendre une expression de l’apôtre Jean à propos de l’amour.
C’est un beau défi politique et spirituel que nous pourrions relever ensemble pour que vive l’espérance, don reçu de Dieu certes mais tâche pour tous ceux et celles qui veulent ouvrir un horizon d’humanité aux jeunes générations sur les deux rives de la Méditerranée.
Merci Monsieur le ministre pour votre présence ici,
Merci à chacun(e) d’entre vous.
Christophe Roucou
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