#SamuelPaty #Nice : Paroles de croyants
« Jusqu’à quand ? Seigneur ! » (Apocalypse 6,10)
C’est le cri des justes, des sacrifiés de l’histoire des hommes, des victimes de la violence, de la jalousie et de la bêtise humaine. Victimes depuis Abel le juste assassiné par son frère Caïn dont la Terre qui a recueilli son sang et son corps fait résonner le cri vers Dieu.
Ce jeudi matin, l’horreur a encore frappé dans la basilique Notre-Dame de Nice. Des chrétiens assassinés venus prier leur maître et Seigneur Jésus-Christ.
Celui-ci pour nous sauver a pris sur la Croix la condition de ces innocents pour porter vers son Père, qui est Notre Père, le cri des victimes de la haine semée par Satan dans le cœur de l’homme et répandre de ce lieu la réponse du Seigneur qui est Son Esprit-Saint répandu pour notre salut. Il donne réconciliation et force aux artisans de Paix.
Ils venaient contempler ce mystère avec Marie, debout au pied de la Croix, ils venaient avec le disciple bien-aimé recevoir ce souffle divin qui jaillit de la Croix et qui appelle à la fraternité, à la réconciliation, au don de sa vie par Amour.
Ces nouvelles victimes rejoignent le père Jacques Amel et tant d’autres en nous invitant à regarder non l’horreur de leur mort mais le mystère de la vie qui vient éclairer tout homme.
C’est ce même mystère qui donnera sens au sacrifice du professeur Samuel Paty, des policiers Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schnieider, du colonel de gendarmerie Arnaud Beltram, du maréchal des logis Imad Ibn Ziaten, des soldats Abel Chennouf et Mohamed Legouad, du rabbin Jonathan Sandler et de ses fils Arié et Gabriel, de la petite Myriam, enfant de 8 ans assassinée seulement pour être venue à son école juive ce jour-là, et de tant d’autres dont nous ne devons pas oublier les noms. Ils sont croyants juifs, musulmans, protestants, orthodoxes et majoritairement catholiques, ils sont aussi agnostiques, et parfois athées. N’est-ce pas la grandeur de notre pays de permettre la liberté de conscience, la liberté religieuse, la liberté d’expression ? N’est-ce pas aussi notre devoir de rechercher une éthique de la responsabilité dans l’exercice de cette liberté afin que jamais personne ne se sente exclue de notre fraternité ? Celle-ci doit se réinventer sans cesse et particulièrement aujourd’hui, c’est cette éthique où nous apprenons à nous comprendre avec les autres et non sans les autres qui fera notre fierté de peuple français et nous la trouverons en honorant la mémoire de nos martyrs.
« Jusqu’à quand, Maître et souverain, tarderas-tu à faire justice et vengeras-tu notre sang sur les habitants de la Terre ? » crient les victime innocentes.
Seigneur, ta vengeance n’est-elle pas de donner sens à leur sacrifice, et en nous invitant à faire mémoire d’eux, dans la lumière de la Croix, de comprendre ce que signifie être français.
Père Xavier
Ils étaient trois,
Arbres plantés
Dans la maison de Dieu
Sentinelles du jour
Et serviteurs fidèles
Ils étaient trois,
Arbres plantés
Dans la maison de Dieu
Humbles croyants
Et veilleurs matinaux
Ils étaient trois,
Arbres dressés
Priants de Dieu
Ils ont ployé sous la lame barbare
Ils étaient trois,
Arbres élevés
Priants de Dieu
Déracinés par la haine d’un homme
Ils étaient trois,
Arbres fraternels
Mêlant leurs branches
Lourdes de larmes, d’espoirs et de joies,
A celles
De l’humanité tout entière
Ils étaient trois,
Arbres fraternels
Aux branches tournées
Vers ce Père
Dont l’unique dessein
Est de rassembler ses enfants
Ils étaient trois,
Arbres de la Croix
Bras tendus vers le ciel
Pour implorer la paix
Bras ouverts sur la terre
Pour embrasser chacun
Dans un même pardon
Ils étaient trois,
Arbres de Vie
Plus forte que toute mort
Arbres de Vie
Femmes et homme relevés
Disciples désormais
Configurés au Maître
Ils étaient trois,
Nous serons des millions
Nous serons des forêts
A croire, encore et encore
Et malgré tout
Et malgré nous
A la fraternité
Colette Hamza
Octobre 2020
Le Prophète et le blasphème
J’aime mon prophète. Cela fait partie de ma foi et j’aime notamment ses qualités éthiques qui font de lui la personne la plus noble et la plus vertueuse. Ces qualités sont nombreuses, mais je vais m’arrêter sur une particulièrement, les moments difficiles que nous traversons aujourd’hui l’exigeant. Il s’agit de l’indulgence, la clémence et la patience dont le Prophète Mohammed (PBSL) faisait preuve envers l’agressivité́ verbale et physique de ses détracteurs.
Quand je dis les détracteurs, je ne parle pas des personnes qui jouent avec les mots ou les images pour exprimer leurs opinions artistiques ou philosophiques, dans un cadre autorisé par la loi, comme le cas des caricatures. Non ! Il s’agit, à l’époque du Prophète, des vrais ennemis, acharnés et féroces, qui cherchaient à tout prix, non seulement à humilier le Prophète et son message, mais surtout à le tuer et à l’éliminer. Il était à leurs yeux un menteur, un magicien, un imposteur et j’en passe.
Le Coran en donne des dizaines d’exemples. Ainsi :
- « Et quand ils te voient, ils ne te prennent qu’en raillerie : « Est-ce là celui qu’Allah a envoyé comme Messager ? » (Sourate 25/ 41) ;
- « Et ils (les Mecquois) s’étonnèrent qu’un avertisseur parmi eux leur soit venu, et les infidèles disent : « C’est un magicien et un grand menteur » (Sourate 38/ 4) ;
- « Et ils (les Mecquois) disent : « Ô toi sur qui on a fait descendre le Coran, tu es certainement fou ! » (Sourate 15/6) ;
- « Et rappelle-toi) le moment où ceux qui ont mécru complotaient contre toi pour t’emprisonner ou t’assassiner ou te bannir. » (Sourate 8/30).
Maintenant, quel était le comportement adopté par le Prophète contre cet acharnement ? A-t-il tué quelqu’un ? A-t-il craché sur quelqu’un ? S’est-il emporté par la colère pour se venger ? A-t-il donné ordre à ses compagnons de le venger à sa place ? Rien de tout cela.
Quelle fut donc sa réaction ?
Encore une fois, le Coran nous en donne la réponse :
- « Et endure ce qu’ils disent ; et écarte-toi d’eux d’une façon convenable » (Sourate 73/10) ;
- « Accepte ce qu’on t’offre de raisonnable, commande ce qui est convenable et éloigne-toi des ignorants » (Sourate 7/ 199) :
- « Nous t’avons effectivement défendu vis-à-vis des railleurs » (Sourate 15/95) ;
- « Endure (Muhammad) donc, comme ont enduré les messagers doués de fermeté » (Sourate 46/ 35)
Que d’indulgence, que de rahma, que de clémence, que de tolérance, que de vertus confirmées par ce témoignage sans appel, cité dans un verset magnifique : « Et tu es certes, d’une moralité́ éminente » (Sourate 68/4)
Oui, j’aime le Prophète et cela fait partie de ma foi et, par conséquent, je vais suivre sa démarche éthique contre toute sorte de provocations, d’insultes ou de blasphèmes, exactement comme il en a donné́ lui-même l’exemple.
Faire le contraire, ce qui voudrait dire, insulter, s’emporter par la colère, voire tuer sauvagement un innocent, ne feraient que trahir ma prétention d’aimer le Prophète et suivre sa tradition.
Tu veux suivre sa tradition ? Le Coran t’en a montré́ clairement le chemin.
La moquerie prend plusieurs formes. L’une d’elles est la négligence. Le fait de négliger sa tradition, en l’occurrence, cette manière douce et intelligente de se comporter avec ses détracteurs est, à mon sens, une moquerie aussi blasphématoire que la moquerie caricaturale.
Vous allez me dire : « Mais, on fait quoi alors ? Est-ce qu’on se laisse écraser par cette montée ambiante de racisme, d’islamophobie et d’amalgame entre l’islam et l’islamisme ? »
Ma réponse sera claire et nette : « Non ! »
Alors que faire ?
- Commence déjà par être fidèle à la tradition de ton Prophète
- Respecte les principes et les valeurs de la République et sois-y également fidèle. Ces valeurs te garantissent la liberté́ de t’exprimer et le droit de te défendre.
- Sache que tu es en France et que tu ne vis pas dans une autre galaxie. Donc, quand tu prends une décision et quand tu réfléchis à un problème quelconque, la société́ où tu vis doit être présente dans cette décision ou cette réflexion
- Favorise le débat, toujours le débat : un dessin pour un dessin, une parole pour une parole, un argument pour un autre. Les moyens intelligibles en sont nombreux…
- Coopère avec toutes les composantes de la société́ pour défendre les valeurs du vivre ensemble (musulmans, chrétiens, juifs, bouddhistes, athées, agnostiques et autres…) , et pour faire bloc à toutes les idées et actes fachistes, racistes et discriminatoires, qui ne souhaitent qu’une seule chose : « Que la société se fissure. Ne leur donne pas cette opportunité́.
Je finis ce petit rappel par deux textes qui me tiennent à cœur.
Le premier est un verset coranique que je ne me lasse pas d’évoquer, tellement il est beau et magnifique : « Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez » (Sourate 49/ V13)
Le deuxième texte est de Martin Luther King qui dit : « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères. Sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots ».
Tout y est dit.
Saïd Talha
Aumônier de prison et d’hôpital, animateur musulman du groupe islamo-chrétien Ensemble vers la paix, Béziers (Hérault)
A propos des actions terroristes en France
Suite à l’attentat de Nice, faisant trois victimes innocentes, le Conseil Théologique Musulman de France (CTMF) condamne d’une manière absolue, sans équivoque et avec force cet acte ignoble. Un acte d’autant plus abject qu’il a été commis au sein d’un lieu de culte catholique. Il condamne également toutes les opérations terroristes qui ont eu lieu à ce jour sur le sol français, quelle que soit la confession des victimes ou des cibles visées.
Le Conseil Théologique Musulman de France rappelle aux musulmans de notre pays, qu’ils soient citoyens, résidents, réfugiés ou seulement de passage, que la vie d’un homme équivaut à celle de l’humanité tout entière (Coran : Chapitre 5, verset 32). Plusieurs versets coraniques vont dans ce sens, appuyés par de nombreuses paroles prophétiques, et confirmés par l’unanimité des savants musulmans, qui font de l’homicide un péché majeur.
Compte tenu de ce qui précède, le CTMF déclare que toute action terroriste perpétrée contre un ou plusieurs êtres humains est strictement interdite en islam en vertu du caractère sacré de la vie humaine à laquelle personne n’a le droit de porter atteinte. A ce titre, le CTMF souligne les principes absolus suivants qui ne souffrent d’aucune exception :
1. Il est proscrit en islam de porter atteinte à la vie humaine, à l’intégrité corporelle ou psychologique de toute personne.
2. Tout acte touchant les musulmans dans ce qui est sacré pour eux ne saurait en aucun cas justifier la violence ou l’agression, quel qu’en soit l’auteur.
3.Les musulmans, qu’ils soient citoyens français, étrangers résidents en France ou réfugiés, sont tenus de respecter les lois de la République française, non seulement par respect du droit français mais aussi par fidélité au droit musulman qui oblige à respecter le droit en vigueur sur leur territoire de résidence ou de séjour.
4. En cas de désaccord ou pour contester ce qu’ils considèrent comme une atteinte à leur Foi, les musulmans doivent respecter scrupuleusement le cadre fixé par la législation française. En outre, les sources islamiques invitent les musulmans au dialogue, aux bonnes actions et à la préservation de la paix civile.
Le CTMF tient à rappeler que la compréhension et l’application de ces principes absolus constituent un engagement à la fois religieux et civique pour tous les musulmans sur le territoire de la République française. Les membres du CTMF sont engagés au quotidien et sur tous les terrains où ils sont actifs dans la prévention et la lutte contre tout discours et tout acte allant à l’encontre de ces principes.
A travers ce communiqué, le CTMF exprime ses plus sincères condoléances aux familles des victimes et apporte son soutien à l’ensemble de la communauté catholique. Dans ce moment de deuil, le CTMF appelle le peuple français à s’unir autour des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité qui sont notre bien commun.
Paris, le 30 octobre 2020
Le Conseil Théologique Musulman de France BP-14 Avenue de l’Opéra 75001 Paris contact@conseiltheologique.fr
Mieux nous connaitre nous donne de mieux nous comprendre
Il y a 19 ans, naissait en réaction aux attentats du 11 septembre 2001 un petit groupe, Dialogue pour la paix, devenu depuis une association. Elle regroupe des personnes de différentes religions et spiritualités et s’ouvre à tous ceux désireux de mieux comprendre la différence de l’autre.
Notre pays, particulièrement éprouvé en ces temps reflète la situation de notre monde qui souffre, pour une part d’un déficit évident de solidarité au sein de notre famille humaine.
Notre nation est fondée sur des valeurs résumées dans notre devise républicaine bien connue : « Liberté, Egalité, Fraternité ». Cette triple devise est appelée à se vivre dans le cadre de la laïcité, une règle pour notre vivre ensemble : elle prend en compte une manière de vivre la liberté à plusieurs facettes à cause de la diversité qui nous rassemble, citoyens d’une même nation.
Notre devise républicaine nous incite à vivre sa triple dimension : aucune ne peut se concevoir inséparablement des autres, de manière absolue, essentialiste. Il apparait que la notion de fraternité n’est pas suffisamment prise en compte. Or, c’est cette attitude-là qui nous permet de lutter en profondeur avec le plus d’efficacité contre les entreprises de sape de notre vivre ensemble.
En effet, nous dénonçons avec force les terroristes qui dénaturent la religion dont ils se réclament, porteurs de haine et de mort.
L’expérience que nous vivons dans notre association, au contraire de tous les comportements suscitant haine et division nous invite à la rencontre de l’autre différent, rencontre qui permet le dialogue : mieux nous connaitre nous donne de mieux nous comprendre.
La connaissance permet la reconnaissance. Elle change notre regard et construit l’amitié, clé de nos relations mutuelles.
En outre, nous tenons à rappeler et à témoigner qu’il existe une valeur spirituelle commune à toutes nos traditions religieuses : l’Amour ; il est le remède contre la haine, le cœur battant de la paix et le terreau du vivant. Nos traditions y sont engagées.
Nous souhaitons que les médias contribuent, de par leur rôle particulier à soutenir les initiatives au service de ce bien commun en termes de construction de la fraternité. Nous remercions ceux qui sont déjà engagés dans cette voie.
Pays yonnais et Pays des Olonnes, 29 octobre 2020
Christiane Noel, présidente de Dialogue pour la paix/pays yonnais
Ali Bensaada, aumônier musulman des maisons d’arrêt de Vendée
Roland Zana, Dialogue pour la paix / Amitié judéo-chrétienne
Cécile de Maillard, Jean-Marie Pogu, H’nya Sbihi, Dialogue pour la paix,
Abbé Olivier Gaignet, président de Dialogue pour la paix/pays des Olonnes
Lama jigméThrinlé Gyatso, Dialogue pour la paix, moine et aumônier bouddhiste, président de Drukpa Vendée
Contact : dialoguepourlapaixpaysyonnais@gmail.com