Rites et prières par temps de pandémie du COVID-19

coronavirus

Depuis novembre 2019, un coronavirus, le COVID619, a semé la désolation, d’abord en Chine, puis, au fil des semaines, dans le monde entier. En avril 2020, 4 milliards d’hommes et de femmes étaient confinés chez eux, interdit de libre circulation. Au même moment, des dizaines de milliers de familles pleuraient l’un des leurs, décédé dans une souffrance extrême. Cette pandémie mondiale vient perturber profondément la vie des croyants, d’autant que juifs, chrétiens et musulmans vivent en ce printemps 2020 des grandes fêtes religieuses : Pessah, Carême et fête de Pâques, Ramadan et ‘Aïd al-Fitr. Ces temps festifs qui sont des temps communautaires doivent être vécu en 2020 dans une dimension exclusivement familiale, invitant les uns et les autres à imaginer l’impensable et à faire preuve de créativité. C’est ce qu’évoque le texte écrit par le frère dominicain Claudio Monge, résidant en Turquie.

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RELIGIONS ET URGENCE COVID-19

Claudio Monge, op, Istanbul
Nuovo Progetto – Aprile 2020

En cette période d’urgence sanitaire mondiale, on parle beaucoup de la « démocratie » du virus qui ne connaît pas d’obstacles géographiques, sociaux, politiques, culturels et religieux. En fait, si personne n’est à l’abri d’une infection, ce n’est certainement pas la même chose d’être un sans-abri ou un réfugié dans un camp de réfugiés, plutôt que d’être confortablement retranché dans sa propre maison. C’est l’exemple le plus frappant de l’incidence des différences sociales et des conditions historico-environnementales ici-bas !

Cette crise, cependant, même dans le sud de la Méditerranée, conduit à de nouvelles règles de coexistence, en particulier avec une limitation générale forte de certaines libertés fondamentales. Parmi elles, la liberté religieuse – en particulier dans sa dimension communautaire. C’est un aspect très délicat qui touche intimement la vie quotidienne de millions de personnes. Lorsque le libre exercice de la pratique religieuse qui, surtout en temps de crise, est un facteur essentiel dans la vie personnelle de tout un chacun, est rendu impossible par les interdictions imposées à la vie publique, je peux facilement la considérer comme un abus inacceptable ! Non seulement cela !

Quelqu’un a fait remarquer que la gravité de la pandémie du coronavirus nous oblige à repenser notre religion, non seulement intellectuellement, mais aussi visuellement, émotionnellement et anthropologiquement.

C’est un test formidable pour notre théologie : liturgie et vie sacramentelle, ecclésiologie et relations entre l’Église et l’État en premier lieu. Notre théologie morale est aussi fortement testée. Les épidémies et les pandémies ont tendance à réveiller en chacun de nous des instincts brutaux de survie, souvent au détriment des autres !

Au sein de l’Église catholique, le risque est alors de donner des réponses d’urgence qui reflètent une approche encore trop cléricale et ministérielle, comme si la suspension de la vie liturgique ordinaire impliquait aussi la suspension de « l’esprit liturgique », nous empêchant de découvrir qu’il y a une « sacramentalité » qui ne dépend pas des sacrements eux-mêmes.

Les autres univers religieux, tout particulièrement ceux des « religions abrahamiques », bien que sans une structure comparable de rites, de ministères et encore moins une « classe sacerdotale », se déplacent également vers des terres inexplorées jusqu’à aujourd’hui.

Pour les rabbins, en général, le devoir de sauvegarder sa propre vie et sa propre santé et la vie et la santé des autres est halakhique (légalement réglementé) mais implique néanmoins des adaptations rituelles sans précédent. Le grand rabbin d’Israël a appelé à renoncer à la pratique d’embrasser Mezouzah (le boîtier contenant deux passages de la Torah, fixé au chambranle des portes des lieux d’habitation permanente), et les rabbins européens ont demandé à ceux qui présentent des symptômes liés au virus COVID-19 de ne pas se rendre à la synagogue pour le sabbat.

Le monde musulman, quant à lui, a fait référence à un hadith qui réglemente le comportement à adopter dans des cas comme celui-ci : « Si une épidémie devait apparaître sur terre, n’allez pas à la mosquée ; et si vous êtes dedans, ne vous en sortez pas ! » Mais il est clair que la pandémie est aussi en train de changer le culte islamique dans le monde. Les Saoudiens ont d’abord restreint l’accès à l’esplanade de Kaaba à La Mecque (le centre du monde islamique) avant d’interdire complètement l’Omra, le pèlerinage vers les Lieux saints en période extra-ramadan. Mais voilà que maintenant c’est le grand pèlerinage du mois de jeûne du Ramadan lui-même d’être en danger ! Une première dans l’Histoire !

La plupart des pays islamiques ont également annulé la prière collective de vendredi. Avant l’interdiction totale, les musulmans de Singapour avaient été invités à apporter un tapis personnel à la mosquée ! Le Diyanet turc, ministère des Affaires Religieuses (structure qui élimine, de fait, toute divergence possible entre dispositions de l’État et décisions des autorités religieuses), a publié un vade-mecum en 14 points qui, conformément aux dispositions générales sur la lutte contre le COVID-19, encourage la prière à la maison pour alimenter l’espérance en l’avenir.

Mustafa Akyol, journaliste et écrivain bien connu spécialiste de l’univers religieux, a tweeté, il y a quelques jours : « Dans le monde islamique, il y a des réponses rationnelles et irrationnelles au coronavirus.  Les irrationnels ont tendance à blâmer les « péchés » et à chercher à prendre soin, plus dans la prière que par les gestes-barrières ». L’intellectuel égyptien Mustafa Mahmud s’est fait plus explicite : « Si un croyant et un athée se jettent à la mer, seuls ceux qui savent nager seront sauvés. Allah ne favorise pas les ignorants.  Par conséquent, les musulmans ignorants se noieront tandis que les infidèles qui savent nager seront sauvés ».

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Pour aider les croyants à accompagner par la prière les malades et les défunts, voici quelques prières rédigés par des musulmans et des chrétiens…

Prière pour les malades et les défunts

Seigneur, Dieu de Bonté et de Miséricorde,
Toi qui es Amour et pitié, Toi qui commandes la marche du monde en son début et sa fin,
Nous Te prions pour les malades et les défunts.
Ta miséricorde et Ton secours j’implore.
Je m’en remets à Toi, le Très-Haut, en ce jour.
Je m’adresse à Toi par les noms qui t’appartiennent
et qui m’accompagnent dans la vie quotidienne,
Car Tu es le Maître du Trône prestigieux,
Le Vivant, le Proche, le Pur et le Gracieux.
Tu es le Juste et Tu invites à la Paix,
À prodiguer les actes bons et le respect.
Seigneur, Toi le Puissant qui dissipe la peur,
Éloigne la tristesse et sauve-nous, Sauveur.
Que demain augure la fin de nos soucis,
Pour ouvrir la page nouvelle d’un récit.
Omero Marongiu-Perria

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Prière pour les défunts

Seigneur, nous T’implorons contre l’épidémie
Qui touche nos proches ainsi que nos amis.
La maladie atteint certains et les emporte.
Nous Te prions, Seigneur, pour les personnes mortes.
Combien de familles n’ont pu accompagner les leurs,
D’un dernier geste ils n’ont pu témoigner.
Apaise leur douleur, Seigneur, Toi l’Accueillant !
Accorde Ta Grâce aux défunts comme aux vivants !
Les absents ont rejoint l’éternelle abondance
Et Tu n’as nul besoin de les mettre au supplice.
Accueille-les, Seigneur, dans l’Amour infini
Et jamais ne délaisse un présent démuni.
Toi, le Dieu des âmes et le Dieu des mortels,
Tu les invites tous à la vie éternelle,
Quand bien même l’humain accapare Ton Nom
En prétendant juger la valeur des actions.
Mon Dieu qui dispense sans compter Ton Amour,
Nous implorons Ta Grâce, apporte Ton secours,
Que nul ne soit soumis aux affres des tourments dans sa chair, dans son âme,
Toi qui est si Clément !
Que Ta Parole qui se déploie dans le monde !
Soit le printemps des cœurs pour une vie féconde
Et un départ en Paix, la tristesse envolée,
Pour l’âme accueillie dans la Lumière immaculée.

Omero Marongiu-Perria

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Prière pour les défunts

En ces temps de confinement dans nos maisons
Et dans la nuit de cette pandémie,
Nous nous tournons vers Toi, Seigneur.
En communion de prière
avec les nombreux malades et les personnes seules,
Nous venons te confier nos amis qui viennent de nous quitter.
Que grande soit Ta Miséricorde et Ton Amour !
Ne nous abandonne pas, Toi le Dieu de la Vie !
Que Ton Esprit nous fortifie !
Nous Te confions maintenant
celles et ceux qui parviennent au seuil de Ta maison.
Quand la nuit de la mort les retire à nos yeux,
que se lève pour eux Ton soleil sans déclin.
Ils ne sont plus parmi nous ;
qu’ils soient auprès de Toi !
Nous savons Ta tendresse :
Tu accueilles et Tu pardonnes !
Ne sont-ils pas Tes enfants depuis ce premier jour
où les eaux du baptême leur ont donné Ta vie ?
Par l’amour de Ton Fils, ils T‘appartiennent déjà :
qu’ils vivent en Ta présence et partagent Ta gloire !
Amis, frères et sœurs, parents, proches, collègues de travail,
nous vous disons : « A Dieu ! »
jusqu’au jour bienheureux où nous vous reverrons ».

Vincent Feroldi

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Prière en chemin

Nous voici sur un chemin que nous ne pouvions imaginer
Un chemin de longue patience
Un chemin dépouillé.
Dépouillé de nos habitudes, de nos coutumes.
Même nos rites les plus chers,
les plus… humains… sont bousculés.
Nous voici confinés
Sommés de ne pas nous approcher de l’autre.
Impératif premier : ne pas nuire !
Silence dans nos rues, nos jours, nos nuits
Et cri dans nos cœurs
Chemin qui va de l’autre vers Toi
et de Toi vers l’autre
Nous ne pouvons le parcourir qu’ensemble.
Tous ensemble.
Et nous voici à l’écoute
Et nous voici tout regard
Toute ouverture à la vie
La désirant plus que jamais
Et nous voici fragiles
Tout en tremblement
Tout en larmes
Endeuillés d’un être cher peut-être
Et de tous.
Impératif premier : aimer 
Inventer mille façon d’aimer
De servir
De se donner
D’être présent
De garder ou retrouver le lien.
Et reconnaître et rendre grâce
Pour tous ceux qui se donnent
De toutes les manières possibles
Parfois au risque de leur vie.
Que notre engagement
Nos paroles
Nos silences
Nos prières
Soient comme une caresse
Une accolade fraternelle
Qu’ils disent tendrement
le souffle du Fils
qui porte chacune de nos traversées..

Inès Barnabé

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Prière pour notre terre

Dieu Tout-Puissant qui es présent dans tout l’univers et dans la plus petite de tes créatures,
Toi qui entoures de ta tendresse tout ce qui existe,
répands sur nous la force de ton amour pour que nous protégions la vie et la beauté.
Inonde-nous de paix,
pour que nous vivions comme frères et sœurs
sans causer de dommages à personne.
Ô Dieu des pauvres, aide-nous à secourir
les abandonnés et les oubliés de cette terre
qui valent tant à tes yeux.
Guéris nos vies,
pour que nous soyons des protecteurs du monde et non des prédateurs,
pour que nous semions la beauté et non la pollution ni la destruction.
Touche les cœurs de ceux qui cherchent seulement des profits
aux dépens de la terre et des pauvres.
Apprends-nous à découvrir la valeur de chaque chose,
à contempler, émerveillés,
à reconnaître que nous sommes profondément unis à toutes les créatures
sur notre chemin vers ta lumière infinie.
Merci parce que tu es avec nous tous les jours.
Soutiens-nous, nous t’en prions, dans notre lutte pour la justice, l’amour et la paix.

Pape François, Laudato ‘Si, 246

Saint Nicolas de Véroce (Haute Savoie)

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