« Fortuna », un film poétique, rempli de foi et d’humanité

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Le film a reçu l’Ours de Cristal du meilleur film et le Grand prix du jury international de Génération 14plus à la 68ème Berlinale.

Filmé en noir et blanc, entre documentaire et fiction, Fortuna raconte l’histoire d’une adolescente éthiopienne de 13 ans, interprétée par Kidist Siyum Beza, qui, après avoir traversé la Méditerranée, est accueillie avec d’autres réfugiés au Monastère du Simplon, en Suisse, pour passer l’hiver. Elle y rencontre Kabir, un jeune Africain dont elle tombe amoureuse. A mesure que la neige couvre les sommets, le monastère devient leur refuge mais aussi le théâtre d’événements qui viennent ébranler la vie paisible des chanoines réguliers du Grand saint-Bernard et celles des réfugiés.

Posant dans ce film un regard interrogateur sur la réalité contemporaine, Germinal Roaux, le réalisateur suisse, a choisi, à travers le parcours solitaire de Fortuna, d’installer le spectateur dans un espace de réflexion face aux questions que la crise migratoire suscite auprès de tous.

En effet, bouleversé par les récits des jeunes migrants qu’il a pu rencontrer grâce à sa compagne travaillant dans des classes d’accueil pour mineurs non accompagnés, il a découvert que, pour pallier le manque de places dans les centres d’hébergements, certains de ces réfugiés étaient accueillis au sein de communautés religieuses. D’où le monastère comme lieu de l’histoire.

Au cœur de cette expérience humaine et personnelle, il s’est lui-même posé la question : « Que faire ? ». Ce film est sa réponse. Elle n’est pas tant politique que philosophique et artistique, voire poétique, espérant ainsi éveiller les consciences.

Heureusement, comme l’écrit Raphaëlle Bouchet de la Radio Télévision Suisse, « imprégné de grandes questions morales, sur notre relation à l’autre, sur nos valeurs et nos choix intimes, porté par un souffle presque mystique, le film évite le triple piège de la bigoterie, de la condescendance ou de la moquerie ».

Laissant de côté toute indignation ou même dénonciation, Fortuna incite le spectateur à dépasser quelques-unes de ses idées préconçues. Il met la spiritualité au cœur du récit. Aussi imprègne-t-elle peu à peu le spectateur. Dans un monde où les individus voient leurs repères malmenés par une société de consommation effrénée, elle l’amène à découvrir la place tenue par la prière dans la vie de ces hommes et femmes aux traditions différentes (catholique, copte, musulmane).

Ainsi, un débat, nourri d’arguments brillants et mené avec éloquence et sensibilité par les hommes de Dieu, révèle les contradictions auxquelles sont confrontés notre société et ces hommes d’Église tiraillés entre leur désir d’accueil et d’ouverture au monde et leur devoir de réserve et d’isolement inhérent à leur vocation. Ce n’est pas sans nous rappeler un autre film tourné au Maroc, à Toumliline : Des hommes et des dieux (2010, film de Xavier Beauvois).

P. Vincent Feroldi

Film de Germinal Roaux, 1 h 46 min, avec Kidist Siyum Beza, Bruno Ganz et Assefa Zerihun Gudeta. Sortie en France le 19 septembre 2018
Article tiré de EN DIALOGUE n° 8, octobre-décembre 2018

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