Centrafrique: des chrétiens et des musulmans ensemble
Un geste de réconciliation en Centrafrique
En Centrafrique, 417 des 436 mosquées ont été détruites pendant la crise interconfessionnelle qui a secoué le pays
frère Justin Ndéma, dominicain, membre de la Plate-forme nationale du Dialogue interreligieux en Centrafrique attire notre attention sur les derniers progrès de la réconciliation dans ce pays meurtri.
Aidés par des chrétiens, des musulmans reconstruisent des mosquées en ruines à l’approche du mois saint de Ramadan (mi-juin), offrant un modèle impressionnant de tolérance, de philanthropie et de vivre-ensemble en République centrafricaine. Dans plusieurs quartiers de Bangui mais aussi dans plusieurs villes à l’intérieur du pays, ruines et vestiges de ce qui fut, il y a quelques temps encore, des lieux de prière sacrés pour la communauté musulmane, jonchent le sol.
Aujourd’hui pourtant, le pays a décidé de se relever, et parmi les initiatives centrafricaines, la renaissance des Mosquées figurent en priorité pour la communauté musulmane du pays. Dans la capitale, 10 mosquées ont ainsi été réouvertes, pour accueillir les 3 mille musulmans qui ont décidé de revenir au pays depuis le retour au calme. A Bangui, les chrétiens se sont mobilisés pour aider les musulmans centrafricains à retrouver leurs lieux de prières.
Au quartier Lakouanga dans le 2ème arrondissement de la capitale, la principale mosquée a ainsi été réhabilitée sur une initiative de Christian Aimé Ndotah, un chrétien du quartier : «Nous avons entrepris cela afin de faciliter la cohésion sociale, de retrouver le vivre ensemble comme à l’époque où chrétiens et musulmans vivaient loin des conflits et en frères. Nous comptons poursuivre cela dans d’autres zones et quartiers notamment au quartier Yapélé où la mosquée a également été réhabilitée avec nos propres moyens», explique Ndotah à Anadolu.
« La réouverture de la mosquée de Lakouanga est un pas entrepris pour le retour de la cohésion sociale, un départ pour rétablir la confiance. On souhaite que cela se fasse partout ailleurs », souligne pour sa part Ousmane Mahamat Salleh, un musulman venu prier dans cette mosquée.
Pour le président de la Communauté islamique de la Centrafrique, l’imam Oumar Kobine Layama, rencontré par Anadolu, outre la solidarité entre chrétiens et musulmans, «il y a aussi une volonté manifeste de la Conférence islamique mais aussi des Secours islamiques de Londres de reconstruire les autres mosquées du pays encore fermées».
Pourtant, cela tarde à se faire. «Nous attendons la procédure des évaluations» qui devrait permettre d’établir le budget et la feuille de route nécessaire à la reconstruction des lieux saints, justifie l’imam.
L’imam déplore aussi le fait que de la part du gouvernement centrafricain, «aucune action n’est entreprise en ce moment pour redonner des lieux de prière aux musulmans centrafricains», même si cette question a été évoquée lors du forum de la réconciliation de Bangui (4-11 mai) qui a regroupé chrétiens et musulmans pour débattre des problèmes du pays. Kobine Layama espère toutefois «des suites favorables aux décisions prises lors du Forum», même si rien n’est encore officiellement engagé pour le moment.
En attendant la réouverture de la totalité des mosquées en Centrafrique, les musulmans de Bangui retranchés dans l’enclave du PK5, se retrouvent chaque vendredi à la Mosquée Centrale, pour la grande prière. Chacun y prie « pour la paix » et y nourrit l’esprit de se retrouver un jour, dans sa mosquée, dans l’un des quartiers de Bangui, parfois encore hostiles à la présence musulmane. Et pour cause, la crise interconfessionnelle qui a secoué le pays durant plus de deux ans et qui s’est soldée par 5 mille morts et près d’un million de déplacés. Elle a également entraîné la destruction de 417 Mosquées sur les 436 que compte le pays, selon un récent constat des Nations-Unies.