Aux catholiques de l’Oise et aux autres croyants

L’actualité de ces derniers mois a souvent porté nos regards vers le Moyen Orient et les événements dramatiques qui s’y déroulaient. Des événements récents ont ajouté encore aux drames par la barbarie qui a entouré plusieurs assassinats médiatisés.
Une des difficultés importantes, pour nous, citoyens et chrétiens, tient à ce que les auteurs de ces faits inhumains prétendent agir au nom de l’Islam, et affirment servir la volonté de Dieu par leur violence extrême visant le monde, et dans un premier temps « l’Occident ».

Dès lors, des peurs plus ou moins enfouies, l’inquiétude, des paroles hostiles et d’autres comportements xénophobes émergent et pourraient s’amplifier. Nous sommes menacés de dévisser dans des tensions croissantes et dommageables à toute la vie sociale. Car nous savons bien que la violence n’est pas seulement tapie dans le cœur des autres… mais aussi dans le nôtre, et qu’elle peut se nourrir de bien des motifs pour se justifier. Or, la violence ne tue pas la violence !
Comme Citoyen de ce Pays et comme Évêque de Beauvais, je voudrais m’adresser aux chrétiens catholiques, mais aussi à toutes les personnes qui voudront croire que je porte également le souci de toute notre société.

Nous voulons « garder la tête froide » ! Cela ne signifie pas les yeux fermés. Mais cela veut dire que nous ne voulons pas nous laisser submerger par des peurs incontrôlées qui pourraient nous conduire au manque de respect à l’égard de quelque personne que ce soit. Gardons-nous de ces généralisations qui enferment les autres dans nos peurs, dans notre ignorance, dans notre suffisance et nos prétentions. Une personne vaut toujours plus qu’une idée, a fortiori qu’une idéologie, même habillée de religion. Toute personne est une « histoire sacrée ». Pour le chrétien, c’est l’humilité, le respect, et la liberté du Christ-Jésus qui devraient toujours le guider quand il regarde, approche, rencontre l’autre et vit près de lui.
Nous voulons avoir des cœurs humains ! C’est-à-dire des cœurs qui souffrent de la souffrance de toute personne humaine, quelle qu’elle soit. Les récents événements nous ont montré que les victimes n’appartenaient pas à un groupe circonscrit. La violence aveugle et absurde s’est abattue sur des musulmans chiites et sunnites, des chrétiens, des Yésidis, des Kurdes, des Turcomans, des humanitaires et des journalistes… Nous ne voulons pas avoir la compassion sélective ! Notre solidarité concrète avec les personnes éprouvées est vitale.
Nous voulons reconnaître et respecter nos concitoyens de religion musulmane ! C’est pourquoi, nous leur demandons de continuer à prendre, eux-mêmes et vigoureusement, position contre les « contrefaçons » de l’Islam. Ils comprennent que nous soyons horrifiés par certains comportements qui se prétendent expressions de l’Islam. Ils sont eux-mêmes écœurés. Ils savent être les mieux placés pour dénier toute valeur, au regard de l’Islam, à certains comportements qui s’en revendiquent pourtant. Ils peuvent comprendre que nous ayons besoin de leur parole.

Nous leur demandons encore de nous aider à comprendre leur religion, les mots qu’ils utilisent pour en parler et leur sens. Il y va de la crédibilité de l’Islam et de son « insertion » dans notre société plurielle. Nous avons besoin que les musulmans nous aident à comprendre que l’Islam n’est pas un danger pour notre vie, notre liberté et notre avenir. De nombreuses autorités musulmanes ont commencé à le faire, en France et dans l’Oise. J’en ai moi-même été un témoin très heureux !

Je sais bien que bien des musulmans sont profondément attristés de ces « soupçons », de ces « mises en garde » ou de ces « appels répétés à se justifier » qui leur sont adressées. Je souhaiterais qu’ils puissent comprendre que nous avons besoin de nous « réassurer » lorsque de nouveaux événements viennent fragiliser notre résolution à vouloir construire la paix dans la confiance avec tous nos concitoyens, et donc avec eux. N’est-ce pas un élément important pour progresser vers une société respectueuse de chacune de ses composantes et de chaque personne ? D’autant que cette attitude n’est pas à sens unique, mais réclame réciprocité.

Chrétiens, musulmans ou autres croyants, pour servir une société où chacun aura sa place, nous avons à prendre acte de la présence de l’autre ; nous avons à aller à la rencontre de l’autre ; nous avons à essayer de mieux connaître l’autre pour mieux le comprendre ; nous avons à respecter l’autre en même temps que nous lui demandons de nous respecter.
Pour avancer dans cette direction, j’encourage les chrétiens catholiques à quitter l’ignorance et les a priori pour entrer dans la connaissance et la belle « curiosité » de l’autre. Des formations sont proposées, d’autres peuvent être envisagées, et des groupes peuvent se constituer. J’encourage chacun à aller à la rencontre de l’autre avec un regard bienveillant ; à oser l’apprivoisement de l’autre et la relation cordiale. Nous devons en demander la force à Dieu Créateur de tous les hommes, et oser les actes simples de cordialité et de service, dans notre entourage.

Enfin, j’exhorte tous les chrétiens à prier les uns pour les autres, et chacun pour soi, afin que l’influence du Seigneur Jésus-Christ et non des sentiments négatifs domine toujours en eux. Nous savons que la foi au Christ ressuscité est une foi qui travaille par la charité. La dimension universelle du Cœur du Christ nous dissuade d’y mettre d’autres limites que celle de son immense amour pour tous les hommes.

+ Jacques Benoit-Gonnin
Évêque de Beauvais, Noyon et Senlis

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