Édito de fr. Jean-François Bour – Lettre d’information avril 2024

Chers amis,

Alors que les chrétiens d’occident viennent de célébrer Pâques, au calendrier occidental, les musulmans entrent cette semaine dans la joie de l’Aïd el-Fitr qui clôt le mois de Ramadan. Le 22 avril prochain commencera, pour les Juifs, la semaine de Pessah dont la fin coïncidera avec l’entrée d’une partie des chrétiens orientaux dans la Semaine Sainte.

Pour ceux qui se réclament de diverses façons de la foi d’Abraham, les Juifs, les Chrétiens et les Musulmans, ce mois d’avril offre comme une succession de printemps spirituels.

C’est avec une fraternité profonde et une conscience non moins profonde des défis que la fraternité doit aujourd’hui relever, que je voudrais souhaiter aux uns de belles fêtes pascales, aux autres une très heureuse fête de l’Aïd el-Fitr et aux troisièmes une douce semaine de Pessah. À tous, je veux surtout souhaiter la renaissance et la force de servir la vie, avec reconnaissance, car nous avons tout reçu.

La conjonction des calendriers chrétien et musulman a permis de multiples rencontres et invitations réciproques en France au cours des dernières semaines et à des échanges de vœux, marqués parfois il est vrai, par une singulière gravité. Tous nous avons à l’esprit la violence qui meurtrit Israéliens et Palestiniens, tous nous sommes en désarroi et inquiets. Nous souhaitons une solution rapide, durable et juste.

Je remercie tout spécialement, en ces jours, les responsables et amis musulmans qui ont eu la délicatesse d’envoyer des vœux aux chrétiens, au début du Carême, et parfois aussi pour le dimanche des Rameaux, mais surtout pour Pâques, notre plus grande fête. Au cours de divers Iftar auxquels j’ai eu l’honneur de participer en ces jours de Ramadan, il n’était pas rare que les orateurs musulmans mettent en évidence ce lien de fraternité humaine qui nous lie les uns aux autres, pour le service de Dieu, de sa Justice et de sa Création.

Dans le climat actuel, alors que de nombreux Juifs français perçoivent et subissent un antisémitisme qu’ils pensaient éteint, alors que les musulmans subissent avec amertume le manque de considération, le soupçon, et hélas diverses agressions, l’enchaînement des fêtes de ce mois d’avril n’est-il pas comme une succession d’appels divins ? Ne sommes-nous pas appelés en effet par la voix de nos traditions respectives à fuir le repli, l’indifférence et l’invective? Le risque est grand de vivre les uns à côté des autres, dans la méfiance et la tristesse, parce que les mots seraient devenus lourds pour les uns, vides pour les autres. Il faut d’ores et déjà envisager une réflexion profonde pour reconstruire courageusement le sens de l’être ensemble.

Le risque est aujourd’hui de nous laisser dicter notre pensée et notre conduite par l’ambiance médiatique que décuplent les réseaux. La vie quotidienne est souvent bien plus réelle et bien plus fraternelle que ce que nous font croire ces ahurissantes polémiques orchestrées par le cliquetis incessant des clics.

Ensemençons plutôt la fraternité du quotidien. Apprenons à nous tenir ensemble dans la joie, dans la tristesse et aussi dans l’amertume. Nos fêtes sont des occasions de renforcer nos liens communautaires mais elles font surtout retentir l’inouïe et l’inattendu de la Grâce qui vient d’en Haut, nous soulève, nous élève et nous invite à ne pas renoncer quand la fraternité est menacée, la paix abîmée, la justice blessée.

Nous n’avons pas le droit de renoncer : en France et ailleurs, Chrétiens, Juifs et Musulmans, n’ont pas le droit d’échouer à bâtir la fraternité, même si nos perceptions des situations et des défis nous paraissent parfois irréconciliables. Le chemin parcouru ensemble doit nous pousser à aller plus loin.

Le SNRM célèbrera dans cet esprit ses 50 ans le 12 septembre 2024 à Paris, par une journée de réflexion et de célébration. Et c’est aussi dans cet esprit que nous nous préparons déjà à célébrer aussi l’Encyclique de Paul VI « Ecclesiam Suam » de 1964 qui fonda théologiquement l’idée de Dialogue dans l’Église Catholique. En 2025, des colloques et célébrations remettront en lumière la grande Déclaration conciliaire « Nostra Aetate » de 1965, par laquelle l’Église Catholique s’est donnée les axes d’une relation nouvelle avec les autres religions.

Le chemin parcouru connaîtra encore des vicissitudes, des larmes et des incompréhensions. La Fraternité nous entraînera cependant plus loin si elle se fonde sur les piliers de la prière, de la justice et de la sincérité.

En cette semaine, j’adresse à tous les musulmans que j’ai en grande estime, mes sincères félicitations à l’occasion de l’Aïd el-Fitr, et je les remercie pour leurs gestes de pardon, de générosité, de partage et de prière par lesquels ils contribuent à la construction de notre société.

Frère Jean-François Bour

Directeur du SNRM

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