Le jihadisme des femmes. Pourquoi ont-elles choisi Daech ?

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Dans cet ouvrage passionnant à lire, une psychanalyste et un sociologue se retrouve dans une approche pluridisciplinaire pour apporter quelques éléments de réponse à la question que beaucoup se posent : « Comment expliquer la séduction qu’a exercé l’Etat islamique sur de nombreuses jeunes femmes européennes, pour que plus de 500 d’entre elles se soient rendus au pays de Cham pour rejoindre Daech ? ».

En 2015, en France, un djihadiste sur trois était une femme. Un tiers d’entre elles seraient des converties à l’islam, contre seulement un homme sur cinq : de familles chrétiennes, juives (quelques cas), voire bouddhistes, agnostiques ou athées. Elles sont majoritairement issues des classes moyennes. Dans leur grande majorité, ce ne sont pas des habitantes des banlieues, à la différence d’une grande partie des jeunes hommes engagés dans les rangs de Daech.

Chez nombre d’entre elles, l’aspiration au départ en Syrie a trouvé son ressort dans une vision romantique de l’amour, un désir d’exotisme, de dépaysement ou d’engagement humanitaire, ou dans l’aspiration à « devenir une femme », par le mariage et l’enfantement précoce. Selon les auteurs, « l’image de l’homme idéalisé et virilisé est le point de mire de cette jeunesse féminine : il est celui qui s’expose à la mort et se montre viril, sérieux et sincère ». Il est le surhomme. Cette figure de l’époux idéal permet ainsi d’échapper au malaise né de l’instabilité et de la fragilité qui caractérisent les couples modernes. Les jeunes femmes sont alors « tout à l’enthousiasme de fonder une famille « islamique » où elles assument le rôle idéalisé de mère ». Voilà pourquoi Daech exalte « la noblesse de la femme-mère liée par une confiance absolue à un homme conçu comme un « héros », un soutien indéfectible : il n’est pas efféminé, il fait la guerre et relève le défi de l’adversité ». Ce modèle familial permet à plus d’une d’oublier son vécu, marqué par un contexte familial douloureux (famille recomposée, parent absent…).

Mais ces jeunes femmes sont aussi fascinées par la violence guerrière et la mort. Sait-on que « de 1981 à 2011, sur près de 2.300 attentats-suicides commis dans le monde, quelques 125 l’auraient été par des femmes » ? Les auteurs ont établi une typologie (pp.  36-37). Il y a les femmes désireuses « de la mort salvifique par procuration » où la mort du mari dans un acte sacrificiel les élève au statut de mater dolorosa. Il y a les surmusulmanes qui s’engagent dans un fondamentalisme strict et les héroïnes négatives qui deviennent actrices jihadistes. Il y a enfin les romantiques décalées du réel qui cherchent avant tout la rupture avec un quotidien morose, et les fugitives du trauma qui veulent oublier le tragique de leur condition présente.

Quant au religieux, il revêt une signification différente selon qu’il s’agit d’adolescentes ou de femmes adultes. Pour les premières, le religieux se réduit au sacré qui devient ce qui est intouchable et s’incarne dans un islam rêvé et idéalisé. Pour les jeunes femmes, il peut prendre plusieurs formes : le néo-salafisme, une réaction de provocation à une laïcité endurcie, la quête d’une transcendance répressive dictant des conduites d’autant plus séduisantes qu’elles sont contraignantes. En effet, la féminité apparaît alors comme la source d’une force antidivine et irréligieuse ; elle appartient dès lors au domaine de l’idolâtrie. Il en résultera une sacralisation de la femme et de son corps.

Le destin de celles-ci va se magnifier dans un destin d’épouse de mujahid (le combattant du jihad) et de mère de lionceaux, futurs combattants au service d’une Cité du jihad mythifiée, devenue fabrique de pères morts martyrs et mères sacralisées polyandriques.

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