Revue Chemins de Dialogue, «Croyants dans la tourmente »

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Revue Chemins de Dialogue, «Croyants dans la tourmente », N°45, 2015

Le 45ème numéro de la revue Chemins de Dialogue est dédié aux « Chrétiens dans la tourmente ». Ce titre, d’une tragique actualité, ne dit pas la barbarie d’aujourd’hui dont sont victimes les chrétiens d’Orient et les minorités qui déplaisent aux islamistes radicaux, mais celle de la « Grande Guerre », que connurent nos aïeux au seuil du XXème siècle, qui ensanglanta l’Europe, fit connaître l’horreur à la plupart des familles, et inaugura une mondialisation des conflits. Il s’y vécut tant de souffrances, d’humiliations et de deuils, une telle misère s’en suivit, que le cœur des hommes en fut bouleversé. Comme l’est aujourd’hui le cœur de tous ceux que les plaies du Moyen-Orient, chaque jour plus profondes, blessent dans leur corps martyrisé ; comme l’est aussi le cœur de tous ceux que la communion fraternelle relient dans un mystérieux et tragique destin à nos frères persécutés. Et puis tant d’hommes et de femmes aujourd’hui jetés sur les routes périlleuses de l’exil sont les descendants d’hommes et de femmes dont les chaos de la première guerre mondiale et de la suivante brisèrent déjà la vie, que si l’on n’observe jamais tout à fait que l’Histoire est un éternel recommencement, l’on y perçoit cependant le même bruit de fond de l’union intime de la violence et de l’amour qui féconde originellement les entreprises des hommes et en garde toujours la trace. Et tant de croyants relèvent pourtant, inlassablement, courageusement, le défi de l’espérance. Rémi Caucanas nous invite à y être attentifs : « au cœur de la tourmente ces croyants du passé ont bien des choses à nous dire pour notre temps ».

A lire la recension du génocide assyro-chaldéen de 1915 par Josef Yacoub ou les réflexions de Claire Ly sur « la mémoire blessée, partagée et apaisée », l’on ne peut s’empêcher de s’interroger : à quoi bon tant de massacres ? Faut-il nécessairement en payer le prix pour qu’adviennent en définitive des lendemains momentanément réconciliés puis promis aux mêmes fragilités ? Pour le centenaire de la première guerre mondiale l’Institut Catholique de la Méditerranée organisa un colloque pour évoquer les initiatives prises alors, notamment dans les milieux chrétiens, pour accompagner et relever une humanité dévastée. Le pape Benoit XV « effaré des conséquences géopolitiques de la guerre » se voudra d’abord «médiateur ». L’impartialité est toujours mal reçue par ceux qui ne lisent l’heure qu’à leur clocher. Ministre de la parole, pasteur invitant à la prière, « promoteur d’une politique humanitaire », mais exclu de la conférence de la paix, il souligna dans son pontificat toutes les ambiguïtés d’un Saint-Siège pris entre « l’enclume du caractère international de la papauté romaine et le marteau des aspirations nationales des Etats » selon l’expression imagée de Jean-Marc Ticchi. Les belles pages que Claire Reggio réserve à Jules Isaac nous font respirer le très nostalgique parfum de la foi du combattant dans sa patrie, dans sa famille, foyers incandescents de sa résistance à toute épreuve, et les exigences scientifiques de cet historien au prestigieux parcours, formateur de tant de générations d’élèves. L’évocation de Franz Rosenzveig par Edouard Robberechts est l’occasion de très pénétrantes remarques sur l’inéluctabilité de la guerre et sur les mutations qu’elle connut au fil des siècles du fait de son rapport à la religion : « la guerre s’insinue au cœur et au centre de la vie du peuple en devenant guerre sainte ». En contrepoint au fracas des armes, comment ne pas évoquer Charles de Foucauld, prêtre au désert, non pas à l’abri des tourments du monde mais au service de la protection de ses frères de Tamanrasset avec lesquels il est engagé dans une hospitalité réciproque ? Il y mourra désarmé. Cette figure de l’amour fut aussi, en d’autres termes, celle de religieux engagés dans la mise en place d’œuvres de charité, comme le fut l’abbé Fouque dont Bernard Ardura, qui par ailleurs introduisit le colloque, retrace à Marseille les initiatives d’une incroyable audace et dont on connait encore tant de bienfaits ( l’hôpital Saint Joseph, les Saints-Anges, la maison de retraite de La Salette, etc.).

Le numéro 45 de la revue rappelle aussi quelques « aspects de la mission à Marseille au XXème siècle ». C’est l’occasion pour Colette Hamza de décrire les « Missions de midi », de leur fondation par Claire Monestes, dans les pas de l’abbé Fouque précédemment évoqué, au service des femmes au travail accueillies et accompagnées pour leur déjeuner, jusqu’à l’implantation actuelle dans la rue Breteuil qui reçoit toujours les femmes qui, bousculées par les aléas de la vie, en ont besoin. C’est cette attention aux besoins des personnes malmenées par un monde en mutation et en construction qu’explore Rémi Caucanas dans une belle étude sur Marseille et les « visages » qu’y prit la mission de 1930 à 1960, une manière de rejoindre ces « périphéries » qui lui sont aussi chères qu’au Pape François, surtout lorsque « l’écho d’outre-mer croise des initiatives locales », qu’émergent des modes d’être d’une Eglise missionnaire et que se dessine l’horizon du dialogue islamo-chrétien. En somme « une catholicité en espérance » selon le titre de la conférence de Yann Vagneux donné aux séminaristes des Missions étrangères de Paris et qui clôt ce très riche numéro. Jean CONRAD

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