Édito de fr. Jean-François Bour – Lettre d’information novembre 2023

Chers amis,

Au retour de l’Assemblée plénière des évêques à Lourdes où j’ai pu réfléchir avec les évêques de France et à leur demande aux enjeux du dialogue entre catholiques et musulmans en France, je voudrais vous partager en quelques mots comment l’Assemblée a su prendre en compte le contexte international actuel.

Il est difficile aujourd’hui de trouver les mots justes alors que la violence se déchaîne avec une violence terrifiante depuis le 7 octobre, jour de terreur sur le sol israélien, point de départ d’un engrenage dont on ne sait comment il pourrait s’arrêter. Empêtrés dans un cycle sans fin de conflits, d’injustices, de crimes, de terrorisme, sur la base d’arguments stratégiques, nationalistes, sécuritaires, et religieux extrémistes, les Palestiniens et les Israéliens sont à nouveau au bord du gouffre et nous avec eux, car la crise est très grave : l’angoisse se développe chez nos frères juifs en France et les responsables musulmans dénoncent la récupération des évènements pour pointer du doigt les musulmans dans leur ensemble. Partout, des leaders capables de ré-enclencher les processus politiques ou d’arrêter la machine idéologique manquent cruellement et sont inaudibles. On constate, en France notamment, que la société se fracture en cherchant comment manifester son désarroi, sa condamnation ou sa solidarité pour ceux qui souffrent atrocement aujourd’hui. Une fois encore, la douleur, la souffrance, la violence, la colère, la mémoire blessée mais aussi un fol espoir sont entremêlés et nous cherchons nos mots.

Je me permets donc, dans cet édito, d’attirer l’attention sur les paroles humblement prononcées le 7 novembre 2023, par Mgr Eric de Moulins-Beaufort, Président de la Conférence des évêques de France, afin d’appeler les catholiques à se situer au cœur d’un débat hautement inflammable. On retrouve dans deux dépêches AFP du 8 novembre la synthèse des propos énoncés et dont je vous livre quelques lignes très éclairantes :

« Alors que le conflit a fait, depuis l’attaque sanglante du Hamas le 7 octobre, plus de 1.400 morts côté israélien selon les autorités et 10.569 côté palestinien selon le Hamas, le président de la Conférence des Evêques de France a martelé: « nous souffrons pour les Juifs, nos pères dans la foi, menacés par une inquiétante vague d’antisémitisme. Nous souffrons pour les Palestiniens, nos frères et nos sœurs dans l’humanité ».

Les évêques catholiques réunis à Lourdes ont appelé mercredi à « ne pas céder à la logique simpliste de l’affrontement entre communautés religieuses », en dénonçant les attitudes « antisémites et antimusulmanes » à l’heure de la guerre entre Israël et le Hamas.

Appelant à « la justice pour le peuple palestinien qui a droit à un État libre », le président de la Conférence des évêques de France (CEF) Eric de Moulins-Beaufort a demandé « une reconnaissance claire, partout, du droit à exister pour l’Etat d’Israël ». » (AFP 8 novembre).

Comme d’autres, notamment nos amis musulmans qui nous confient, nombreux, leur dégoût pour l’antisémitisme, l’invitation des deux présidents du Sénat et de l’Assemblée Nationale à marcher dimanche 12 novembre, est formulée de telle sorte qu’il faut redouter un clivage encore plus prononcé.

Ne serait-il pas souhaitable que cette marche républicaine soit l’occasion pour les français de s’opposer à l’antisémitisme, au racisme, aux attitudes et propos anti-musulmans et anti-chrétiens ? En fait, une mobilisation de cette nature devrait évidemment dénoncer toute tentative d’inquiéter qui que ce soit au seul motif qu’il serait juif, musulman, chrétien, non-croyant etc.

C’est ce qui explique pourquoi la Conférence des évêques de France sera bien représentée lors de cette marche car tous les catholiques doivent lutter contre l’antisémitisme. Mais c’est aussi parce que les catholiques ne veulent lâcher la main ni des Juifs ni des musulmans, qu’ils sont invités à prendre leur décision en conscience. Peut-être devraient-ils même privilégier les évènements et mobilisations qui permettront de restaurer le lien fragile entre toutes les communautés. Car il faut porter, tous ensemble et en frères, le présent et l’avenir d’Israël et de la Palestine alors que des abîmes infernaux se sont ouverts sous les pieds et dans le ciel de citoyens qui ont, là-bas, besoin de paix, de procès exemplaires après des crimes barbares et terroristes, d’une libération immédiate des otages israéliens, d’un arrêt immédiat des bombardements des civils innocents traités d’« animaux », et d’un processus sérieux menant à la stabilisation de deux États, avec l’aide de la communauté internationale. Il faut urgemment aider en Terre-Sainte l’avènement de deux démocraties solides et capables de travailler ensemble sur une mémoire commune terriblement blessée.

Le SNRM qui a reporté son 50e anniversaire prévu initialement le 30 novembre 2023, donne rendez-vous dans quelques mois, à tous ceux qui veulent continuer à porter avec nous le dialogue islamo-chrétien au service d’une fraternité universelle qui a besoin autant de spiritualité que de sincérité, afin de nommer les attentes ainsi que nos engagements les uns envers les autres. L’approche des 60 ans de la Déclaration Nostra Aetate (Concile Vatican II) nous soutiendra dans cet effort.

Je vous laisse avec la prière préparée fin octobre par le SNRJ (Service National pour les Relations avec le Judaïsme de la CEF) et par le SNRM (Service National pour les Relations avec les Musulmans de la CEF) : elle a été lue à deux voix par le Père Christophe Le Sourt et moi-même à la messe télévisée sur France 2, le dimanche 5 novembre à 11h (Le Jour du Seigneur). Elle veut dire devant Dieu, notre Père à tous, que Musulmans et Juifs, vous êtes nos frères ! Et à nos frères bien-aimés nous souhaitons la Paix, celle qui ne peut se développer qu’en renouvelant profondément nos cœurs qui doivent guérir de la violence et de l’injustice.

Fr. Jean-François Bour, o.p.

Directeur du SNRM

Prière du 5 novembre : 

Seigneur, Nous qui sommes de la lignée d’Abraham, nous te prions pour tous ses enfants.

Nous t’implorons, particulièrement, pour toutes les victimes des actes terroristes commis en Israël le 7 octobre dernier. Nous y associons, également, leurs familles ainsi que les otages dont nous réclamons, avec la communauté internationale, la libération immédiate.

Nous t’implorons, également, pour les palestiniens tués lors des bombardements à Gaza et pour les innocents qui y subissent de très grandes souffrances. Que s’ouvrent, dans les plus brefs délais, des couloirs humanitaires.

Nous te prions, aussi, pour tous ceux dont le cœur s’est empli de haine et pour tous ceux qui bloquent encore les processus capables de mener à des solutions justes pour les populations de cette région.

Puissent les autorités locales, et l’ensemble des décideurs internationaux, œuvrer au plus vite pour la promotion de la justice et de la paix.

Et donne à tous la force de lutter contre toute attitude antisémite ou antimusulmane

Seigneur, nous te prions.

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POUR ALLER PLUS LOIN: CONFERENCE DE PARIS POUR LA PAIX (DECLARATION DE MGR DE MOULINS-BEAUFORT ET DU CARDINAL PAROLIN AU NOM DU ST PERE):

Les évêques de France lancent un appel à la paix – Église catholique en France

et

MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS, SIGNÉ PAR LE CARDINAL SECRÉTAIRE D’ÉTAT PIETRO PAROLIN,
AUX PARTICIPANTS DU 6e 
FORUM DE PARIS SUR LA PAIX