Dialogue et annonce

Dialogue et annonce

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Réflexions et orientations concernant le dialogue interreligieux

et l’annonce de l’Évangile*

19 mai 1991

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Le texte de Dialogue et annonce est le résultat de cinq années de travail par les dicastères concernés (le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et la Congrégation pour l’évangélisation des peuples)

Plan du document

Introduction

1. Dialogue interreligieux

A) Une approche chrétienne des traditions religieuses
B) La place du dialogue interreligieux dans la mission évangélisatrice de l’Église
C) Formes de dialogue
D) Dispositions et fruits du dialogue interreligieux
E) Obstacles au dialogue

2. Annonce de Jésus Christ

A) La mission donnée par le Seigneur ressuscité
B) Le rôle de l’Église
C) Le contenu de l’annonce
D) La présence et la force du Saint-Esprit
E) L’urgence de l’annonce
F) Les modalités de l’annonce
G) Obstacles à l’annonce
H) L’annonce dans la mission évangélisatrice de l’Église

3. Dialogue interreligieux et annonce

A) Liés mais non interchangeables
B) L’Église et les religions
C) Annoncer Jésus Christ
D) Engagement dans l’unique mission
E) Jésus, notre modèle

Conclusion

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Introduction

25 ans après « Nostra ætate »

1 Il y a 25 ans, était promulguée Nostra ætate, la déclaration du Concile Vatican Il sur les relations de l’Église avec les autres religions. Le document soulignait l’importance du dialogue interreligieux. Il rappelait en même temps le devoir de l’Église d’annoncer sans cesse le Christ, la Voie, la Vérité et la Vie, en qui les hommes trouvent leur plénitude (cf. Nostra ætate, 2).

Le dialogue et la mission

2 Afin de promouvoir l’œuvre du dialogue, le Pape Paul VI a créé le Secrétariat pour les non-chrétiens, actuellement dénommé Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. A la suite de l’Assemblée plénière de 1984, le Secrétariat a publié un document intitulé L’attitude de l’Église devant les croyants des autres religions: réflexions et orientations concernant le dialogue et la mission. Ce document déclare que la mission évangélisatrice de l’Église est «une réalité unitaire mais complexe et articulée». Il en indique les éléments principaux: présence et témoignage; engagement pour la promotion sociale et la libération de l’homme, vie liturgique, prière et contemplation; dialogue interreligieux, et finalement annonce et catéchèse[1][2]. L’annonce et le dialogue, chacun à sa place, sont considérés tous les deux comme des composantes et des formes authentiques de l’unique mission évangélisatrice de l’Église. Tous deux tendent à la communication de la vérité salvatrice.

Le dialogue et l’annonce

3 Le présent document entend poursuivre la réflexion sur ces deux éléments. Il souligne d’abord les caractéristiques de l’un et de l’autre, et étudie ensuite leur relation réciproque. Si l’on traite du dialogue en premier, ce n’est pas en raison d’une priorité qu’il aurait sur l’annonce. La raison en est simplement que le dialogue est la première préoccupation du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux qui a entrepris la préparation de ce document. En effet, le document a d’abord été discuté durant l’Assemblée plénière du Secrétariat en 1987. Les remarques faites, tant à cette occasion qu’à travers des consultations ultérieures, ont abouti au texte que voici, achevé lors de l’Assemblée plénière du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, en avril 1990, qui lui a donné son approbation. Durant tout ce processus, il y a eu une étroite collaboration entre le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et la Congrégation pour l’évangélisation des peuples. Les deux Dicastères proposent ces réflexions à l’Église universelle.

Un thème d’actualité

4 Parmi les raisons qui rendent plus actuelle l’étude des relations entre dialogue et annonce, on peut mentionner les suivantes:

4.1. Aujourd’hui, dans notre monde caractérisé par la rapidité des communications, la mobilité des peuples, l’interdépendance, il existe une nouvelle prise de conscience du pluralisme religieux. Les religions ne se contentent pas tout simplement d’exister ou même de survivre. En certains cas, elles manifestent un réel renouveau. Elles continuent à inspirer et à influencer la vie de millions de leurs membres. Dans le contexte actuel du pluralisme religieux, on ne peut donc pas oublier le rôle important que jouent les traditions religieuses.

4.2. Ce n’est que graduellement que l’on commence à comprendre ce qu’est le dialogue interreligieux entre chrétiens et membres des autres traditions religieuses, tel qu’il a été envisagé par le Concile Vatican II. La pratique en demeure hésitante en plusieurs endroits. La situation est d’ailleurs différente d’un pays à l’autre. Cela dépend de l’importance de la communauté chrétienne, de l’identité des autres traditions religieuses présentes, et de bien d’autres facteurs culturels, sociaux et politiques. Un examen plus approfondi de la question pourrait aider à stimuler le dialogue.

4.3. La pratique du dialogue suscite certains problèmes dans l’esprit de beaucoup. Il y a ceux qui sembleraient penser de façon erronée que, dans la mission actuelle de l’Église, le dialogue devrait tout simplement remplacer l’annonce. A l’opposé, d’autres n’arrivent pas à comprendre la valeur du dialogue interreligieux. D’autres encore sont perplexes et s’interrogent: si le dialogue interreligieux est devenu tellement important, l’annonce du message évangélique a-t-elle perdu son urgence? L’effort pour amener des personnes à entrer dans la communauté de l’Église est-il devenu secondaire ou même superflu? D’où le besoin de certaines orientations doctrinales et pastorales, orientations auxquelles voudrait justement contribuer le présent document, sans prétendre donner une réponse exhaustive à toutes les questions que ce thème soulève.

Alors qu’on finissait de préparer la publication de ce document, le Saint Père, le Pape Jean-Paul II, a offert à l’Église son Encyclique Redemptoris missio, dans laquelle il a traité de ces questions et de bien d’autres. Le présent document explique en détail l’enseignement de l’Encyclique sur le dialogue et sa relation avec l’annonce (Redemptoris missio, 55-57). Il doit donc être lu à la lumière de cette Encyclique.

La Journée de prière pour la paix à Assise

5 La Journée mondiale de prière pour la paix, à Assise, le 27 octobre 1986, à l’initiative du Pape Jean-Paul II, invite également à la réflexion. Le jour même, et plus tard, particulièrement dans son allocution aux cardinaux et à la Curie romaine en décembre 1986, le Saint Père a expliqué la signification de la célébration d’Assise. Il a souligné l’unité fondamentale du genre humain, en son origine et en sa destinée, et le rôle de l’Église comme signe effectif de cette unité.

Il a fait ressortir avec force la portée exacte du dialogue interreligieux, tout en réaffirmant en même temps le devoir de l’Église d’annoncer Jésus Christ au monde.[2][3]

L’encouragement de Jean-Paul II

6 L’année suivante, s’adressant aux membres de l’Assemblée plénière du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, le Pape Jean-Paul II a déclaré: «De la même manière que le dialogue entre religions est un élément de la mission de l’Église, la proclamation de l’œuvre salvifique de Dieu en notre Seigneur Jésus Christ en est un autre… Il ne saurait être question de choisir l’un et d’ignorer l’autre ou de le rejeter»[3][4]. L’orientation donnée par le Pape nous encourage à continuer notre réflexion sur ce thème.

Stimuler la réflexion sur ce thème.

7 Le présent document s’adresse à tous les catholiques, et plus particulièrement à ceux qui ont un rôle de guide dans la communauté ou sont engagés dans la formation. Il est aussi proposé à l’attention des chrétiens qui appartiennent à d’autres Églises ou Communautés ecclésiales, et qui ont eux-mêmes réfléchi sur les questions qu’il soulève[4][5]. Il est à espérer que les fidèles des autres traditions religieuses lui donneront aussi une certaine attention.

Mais avant d’aller plus loin, il est sans doute utile de préciser d’abord le sens des mots-clés qui sont utilisés dans ce document.

L’évangélisation

8 Le terme mission évangélisatrice, ou plus simplement évangélisation, se réfère à la mission de l’Église dans son ensemble. Dans l’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, le terme «évangélisation» est utilisé de différentes manières. Il signifie «porter la Bonne Nouvelle à toute l’humanité et, par son impact, transformer du dedans, rendre neuve l’humanité elle-même» (Evangelii nuntiandi, 18). Ainsi, par l’évangélisation, l’Eglise «cherche à convertir, par la seule énergie divine du Message qu’elle annonce, les consciences personnelles et collectives, les activités dans lesquelles les hommes sont engagés, leurs manières de vivre, et les milieux concrets dans lesquels ils vivent» (ibid.). L’Eglise accomplit sa mission d’évangélisation dans des activités variées. Il y a donc un sens large du concept d’évangélisation. Cependant, dans le même document, évangélisation est aussi pris dans un sens plus spécifique comme «l’annonce claire et sans ambiguïté du Seigneur Jésus» (Evangelii nuntiandi, 22). L’exhortation dit que «cette annonce, kerygma, prédication et catéchèse, occupe une place tellement importante dans l’évangélisation qu’elle en est souvent synonyme; cependant, ce n’est qu’un aspect de l’évangélisation» (ibid.). Dans ce document, le terme mission évangélisatrice est utilisé pour évangélisation au sens large, tandis que le sens plus spécifique est rendu par le terme annonce.

Le Dialogue,**

9 Le terme de dialogue peut se comprendre de différentes manières. Premièrement, au niveau purement humain, cela signifie communication réciproque en vue d’un but commun ou, à un niveau encore plus profond d’une communion interpersonnelle. Deuxièmement, le terme de dialogue peut être pris dans le sens d’une attitude de respect et d’amitié, qui imprègne ou devrait imprégner toutes les activités qui constituent la mission évangélisatrice de l’Église. Cela peut être, à juste titre, appelé «l’esprit du dialogue». Troisièmement, dans un contexte de pluralisme religieux, le terme de dialogue signifie «l’ensemble des rapports interreligieux, positifs et constructifs, avec des personnes et des communautés de diverses croyances, afin d’apprendre à se connaître et à s’enrichir les uns les autres» (Dialogue et mission, 3), tout en obéissant à la vérité et en respectant la liberté de chacun. Il implique à la fois le témoignage et l’approfondissement des convictions religieuses respectives. C’est dans ce troisième sens que le présent document utilise le terme de dialogue comme étant l’un des éléments intégrants de la mission évangélisatrice de l’Église.

L’annonce,

10 Le terme d’annonce signifie la communication du message évangélique, le mystère du salut réalisé pour tous par Dieu en Jésus Christ avec la puissance de l’Esprit Saint. C’est une invitation à un engagement de foi en Jésus Christ, une invitation à entrer par le baptême dans la communauté des croyants qu’est l’Eglise. Cette annonce peut se faire sous forme solennelle et publique, comme ce fut le cas au jour de la Pentecôte (cf. Ac 2, 5-41), ou bien sous forme de simple conversation privée (cf. Ac 8, 30-38). Elle conduit tout naturellement à une catéchèse qui tend à approfondir cette foi. L’annonce est le fondement, le centre et le sommet de l’évangélisation (cf. Evangelii nuntiandi, 27).

La conversion,

11 L’idée de conversion inclut toujours un mouvement de tout l’être vers Dieu, «le retour d’un cœur humble et contrit à Dieu, avec le désir de lui soumettre plus pleinement sa propre vie» (Dialogue et mission, 37). D’autre part, le terme de conversion peut aussi se référer de manière plus spécifique à un changement d’adhésion religieuse et, plus particulièrement, au fait d’embrasser la foi chrétienne. Le sens du terme conversion utilisé dans ce document dépendra du contexte auquel il se réfère.

Diverses religions et traditions.

12 Les termes de religions et de traditions religieuses sont ici utilisés en un sens générique et analogique. Ils comprennent les religions qui, avec le christianisme, aiment à se référer à la foi d’Abraham[5][6], ainsi que les grandes traditions religieuses de l’Asie, de l’Afrique et du reste du monde.

Les nouveaux mouvements religieux

13 Le dialogue interreligieux devrait s’étendre à toutes les religions et à leurs membres. Mais ce document ne traitera pas du dialogue avec les membres des «Nouveaux mouvements religieux», à cause de la diversité des situations qu’ils présentent et le besoin de discernement des valeurs humaines et religieuses qu’ils contiennent[6][7].

1. Dialogue interreligieux

A) Une approche chrétienne des traditions religieuses

Une approche positive des traditions religieuses

14 Une juste appréciation des autres traditions religieuses présuppose normalement un contact étroit avec celles-ci. Cela implique, à côté des connaissances théoriques, une expérience réelle du dialogue interreligieux avec les membres de ces mêmes traditions. Cependant, il est aussi vrai qu’une évaluation théologique correcte de ces traditions, au moins en termes généraux, demeure un présupposé nécessaire pour le dialogue interreligieux. Ces traditions doivent être approchées avec grand respect, à cause des valeurs spirituelles et humaines qu’elles contiennent. Elles requièrent notre considération car, à travers les siècles, elles ont porté témoignage des efforts déployés pour trouver des réponses «aux énigmes cachées de la condition humaine» (Nostra ætate, 1) et elles ont été le lieu d’expression de l’expérience religieuse et des plus profondes aspirations de millions de leurs membres: elles continuent à le faire et à l’être aujourd’hui.

Les orientations du Concile Vatican II

15 Vatican II a indiqué le chemin pour arriver à une telle évaluation positive. Il faut s’assurer, avec soin et précision, du sens exact des affirmations du Concile. Le Concile réaffirme la doctrine traditionnelle selon laquelle le salut en Jésus Christ est, par des voies mystérieuses, une réalité offerte à toute personne de bonne volonté. La claire affirmation de cette conviction de base du Concile se trouve dans la Constitution Gaudium et spes. Le Concile y enseigne que le Christ, nouvel Adam, par le mystère de son Incarnation, de sa mort et de sa Résurrection, agit en chaque personne humaine pour l’amener à un renouveau tout intérieur:

«Et cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans les cœurs desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associés au Mystère pascal» (Gaudium et spes, 22).

Les effets de la grâce divine

16 Le Concile va même plus loin. Faisant sienne la vision, et même la terminologie, de certains Pères de l’Eglise des premiers temps, Nostra ætate parle de la présence dans ces traditions d’un «rayon de cette Vérité qui illumine tous les hommes» (Nostra ætate, 2). Ad gentes reconnaît la présence de «semences du Verbe» et signale «les richesses que, par sa munificence, Dieu a dispensées aux nations» (Ad gentes, 11). Lumen gentium fait référence au bien «semé» non seulement «dans l’esprit et le cœur des hommes» mais aussi «dans les rites et les coutumes des peuples» (Lumen gentium, 17).

L’action du Saint-Esprit

17 Ces quelques références suffisent à montrer que le Concile a reconnu ouvertement la présence de valeurs positives, non seulement dans la vie religieuse personnelle des croyants des autres traditions religieuses, mais aussi dans les traditions religieuses elles-mêmes auxquelles ils appartiennent. Il attribue ces valeurs à la présence active de Dieu lui-même à travers son Verbe, et aussi à l’action universelle de l’Esprit: «Sans aucun doute, affirme Ad gentes, le Saint-Esprit était actif dans le monde avant que le Christ ne soit glorifié» (n° 4). Partant de là, on peut donc considérer que ces éléments, en tant que préparation pour l’Evangile, ont joué et jouent toujours un rôle providentiel dans l’économie du salut. A reconnaître tout cela, l’Eglise se sent poussée à entrer en dialogue et collaboration (Nostra ætate, 2; cf. Gaudium et spes, 92-93). «Que les chrétiens, tout en témoignant de la foi et de la vie chrétiennes, reconnaissent, préservent et fassent progresser les valeurs spirituelles, morales et socioculturelles qui se trouvent en ceux qui suivent d’autres religions» (Nostra ætate, 2).

Le rôle de l’activité de l’Eglise.

18 Le Concile n’ignore pas que l’activité missionnaire de l’Eglise est nécessaire pour mener à leur perfection dans le Christ ces éléments trouvés dans d’autres religions. Le Concile l’affirme très clairement:

«Tout ce qui se trouvait déjà de vérité et de grâce chez les nations comme par une secrète présence de Dieu, elle le délivre des contacts mauvais et le rend au Christ, son auteur, qui détruit l’empire du diable et arrête la malice infiniment diverse des crimes. Aussi, tout ce qu’on découvre de bon semé dans le cœur et l’âme des hommes ou dans les rites particuliers et les civilisations particulières des peuples, non seulement ne périt pas, mais est purifié, élevé et porté à sa perfection pour la gloire de Dieu, la confusion du démon et le bonheur de l’homme» (Ad gentes, 9).

L’histoire de l’action salvatrice de Dieu

19 L’Ancien Testament témoigne du fait que, dès le début de la création, Dieu a fait alliance avec tous les hommes (Gn 1-11). Ceci montre qu’il y a une seule histoire du salut pour toute l’humanité. L’Alliance avec Noé l’homme qui a «marché avec Dieu» (Gn 6, 9), est le symbole de l’intervention de Dieu dans l’histoire des nations. Des personnages non israélites de l’Ancien Testament sont considérés dans le Nouveau Testament comme appartenant à cette unique histoire du salut. Abel, Hénoch, Noé, sont proposés comme des modèles de foi (cf. He 11, 4-7). Ils ont connu, adoré le vrai Dieu et ils ont cru en lui qui est identique au Dieu qui s’est révélé lui-même à Abraham et à Moïse. Melchisedech, le Grand-Prêtre des nations, bénit Abraham, le père de tous les croyants (cf. He 7, 1-17). C’est cette histoire de salut qui voit son accomplissement final en Jésus Christ en qui est établie la nouvelle et définitive Alliance pour tous les peuples.

Au-delà des frontières du peuple élu.

20 Mais la conscience religieuse d’Israël est caractérisée par la conviction profonde de son statut spécial de peuple élu de Dieu. Son élection, accompagnée d’un processus de formation et d’exhortations continuelles pour préserver la pureté du monothéisme, constitue une mission. Les prophètes insistent continuellement sur la loyauté et la fidélité à l’unique vrai Dieu et annoncent le Messie à venir. Pourtant, ces mêmes prophètes, surtout au moment de l’Exil, font naître une perspective universelle, la réalisation que l’action salvatrice de Dieu s’étend au-delà et à travers Israël aux nations. Ainsi Isaïe prédit qu’aux derniers jours les nations afflueront à la maison du Seigneur et diront: «Venez, montons à la montagne du Seigneur, allons au Temple du Dieu de Jacob pour qu’il nous enseigne ses voies et que nous suivions ses sentiers» (Is 2, 3). Il est dit également que «tous les confins de la terre ont vu le salut de notre Dieu» (Is 52, 10). Dans les Livres sapientiaux aussi, qui témoignent des échanges culturels entre Israël et les peuples qui l’entourent, l’action divine dans l’univers tout entier est clairement affirmée. Elle s’étend au-delà des frontières du peuple élu pour toucher l’histoire des nations et la vie des individus.

La mission universelle de Jésus

21 Si l’on passe au Nouveau Testament, on voit que Jésus lui-même a déclaré être venu pour rassembler les brebis perdues d’Israël (cf. Mt 15, 24) et il a défendu à ses disciples, dans un premier temps, de se tourner vers les nations (cf. Mt 10, 5). Il a cependant manifesté une attitude d’accueil vis-à-vis d’hommes et de femmes qui n’appartenaient pas au peuple élu d’Israël. Il entrait en dialogue avec eux et il reconnaissait le bien qui se trouvait en eux. Il s’est émerveillé de la promptitude du centurion à croire, disant qu’il n’avait jamais trouvé pareille foi en Israël (cf. Mt 8, 5-13). Il a accompli des miracles de guérison pour des «étrangers» (cf. Mc 7, 24-30; Mt 15, 21-28) et ces miracles étaient des signes de la venue du Royaume. Il s’est entretenu avec la Samaritaine et lui a parlé de l’heure où l’adoration ne sera pas limitée à tel ou tel lieu, mais où les vrais adorateurs «adoreront le Père en esprit et en vérité» (Jn 4, 23). Jésus ouvre ainsi un horizon nouveau, celui d’une universalité de caractère à la fois christologique et pneumatologique dépassant les simples questions de lieu. Car le nouveau sanctuaire est maintenant le corps du Seigneur Jésus (cf. Jn 2, 21) que le Père a ressuscité par la puissance de l’Esprit.

L’annonce du Royaume de Dieu

22 Le message de Jésus, prouvé par le témoignage de sa vie, c’est donc qu’en sa personne le Royaume de Dieu fait irruption dans le monde. Au début de son ministère public dans la Galilée des nations, il peut dire: «Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est tout proche». Il indique aussi quelles sont les conditions pour entrer dans ce Royaume: «Repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle» (Mc 1, 15). Ce message ne s’adresse pas seulement à ceux qui appartiennent au peuple spécialement choisi. En effet, Jésus a annoncé explicitement l’entrée des nations dans le Royaume de Dieu (cf. Mt 8, 10-11; 11, 20-24; 25, 31-32), un Royaume qu’il faut comprendre comme étant tout à la fois historique et eschatologique. Il est tout à la fois le Royaume du Père dont il faut demander la venue par la prière (cf. Mt 6, 10), et le Royaume de Jésus, puisque Jésus déclare ouvertement qu’Il est roi (cf. Jn 18, 33-37). En fait, en Jésus Christ, le Fils de Dieu fait homme, nous avons la plénitude de la révélation et du salut, et l’accomplissement du désir des nations.

L’appel de tous les peuples.

23 Dans le Nouveau Testament, les références à la vie religieuse des nations ainsi qu’à leurs traditions religieuses peuvent paraître contradictoires, mais sont en fait complémentaires. D’un côté, il y a le verdict négatif de la Lettre aux Romains au sujet de ceux qui n’ont pas reconnu Dieu dans sa création et qui sont tombés dans l’idolâtrie et la dépravation (cf. Rm 1, 18-32). De l’autre côté, les Actes témoignent de l’attitude ouverte et positive de Paul envers les Gentils, tant dans son discours aux Lycaoniens (cf. Ac 14, 8-18) que dans celui à l’Aréopage d’Athènes, où il loue leur esprit religieux et leur annonce celui qu’ils révèrent, sans le savoir, comme le «Dieu inconnu» (Ac 17, 22-34). Il faut aussi tenir compte du fait que la tradition de la sagesse est appliquée, dans le Nouveau Testament, à Jésus Christ, sagesse de Dieu, Parole de Dieu qui illumine tout homme (cf. Jn 1, 9) et qui, par l’Incarnation, fixe sa tente parmi nous (cf. Jn 1, 13).

Les Pères des premiers siècles

24 La tradition post-biblique est caractérisée par les mêmes contrastes. Des jugements négatifs sur le monde religieux de leur temps peuvent être aisément glanés dans les écrits des Pères. Cependant, l’antique tradition manifeste une remarquable ouverture. Nombre de Pères de l’Eglise reprennent la tradition sapientielle telle que la reflétait le Nouveau Testament. En particulier, certains auteurs du IIe siècle et du début du IIIe, comme Justin*, Irénée et Clément d’Alexandrie**, parlent explicitement ou de manière équivalente, des «semences» de la Parole de Dieu parmi les nations[7][8]. Aussi peut-on dire que, pour eux, avant et en dehors de l’économie chrétienne, Dieu s’est déjà manifesté, quoique de manière incomplète. Cette manifestation du Logos est une préfiguration de la pleine révélation en Jésus Christ qu’elle annonce.

La théologie de l’histoire

25 En fait, ces Pères des premiers siècles présentent ce qu’on pourrait appeler une théologie de l’histoire. L’histoire devient une histoire du salut, dans la mesure où Dieu, à travers elle, se manifeste progressivement et communique avec l’humanité. Ce processus de manifestation et de communication divines atteint son apogée dans l’Incarnation du Verbe de Dieu en Jésus Christ. C’est le sens de la distinction que fait Irénée entre les quatre alliances données par Dieu au genre humain: en Adam, en Noé, en Moïse, en Jésus Christ[8][9]. Ce même courant patristique, dont l’importance n’est pas à sous-estimer, a atteint peut-on dire son point culminant chez Augustin. Dans ses dernières œuvres, celui-ci a souligné la présence et l’influence universelle du mystère du Christ, même avant l’Incarnation. En réalisant son plan de salut, Dieu, en son Fils, a atteint l’humanité entière. Ainsi le christianisme, en un certain sens, existait déjà « au commencement de la race humaine»[9][10].

L’apport du Magistère

26 C’est avec cette antique vision chrétienne de l’histoire que Vatican II a voulu renouer. Après le Concile, le Magistère de l’Eglise, spécialement celui du Pape Jean-Paul II, est allé plus loin en cette même direction. Le Pape reconnaît d’abord explicitement la présence agissante de l’Esprit Saint dans la vie des membres des autres traditions religieuses. Dans Redemptor hominis, il dit que «la fermeté de leur croyance» est «un effet de l’Esprit de vérité opérant en dehors des limites visibles du Corps mystique» (Redemptor hominis, 6). Dans son Encyclique Dominum et vivificantem, il va encore plus loin et affirme l’action universelle de l’Esprit Saint dans le monde avant l’économie chrétienne, à laquelle cette action était ordonnée, et parle de cette même action universelle de l’Esprit aujourd’hui, en dehors même du Corps visible de l’Esprit (Dei verbum, 53).

Jean-Paul II et l’approche des autres traditions religieuses

27 Dans son allocution à la Curie romaine, après la Journée de prière à Assise, le Pape Jean-Paul II soulignait une fois de plus la présence universelle de l’Esprit Saint, en affirmant que «chaque prière authentique est suscitée par l’Esprit Saint qui est mystérieusement présent dans le cœur de chaque personne humaine», qu’elle soit chrétienne ou non. Mais, à nouveau, dans ce même discours, regardant plus loin que les seuls individus, le Pape a évoqué clairement les principaux éléments qui constituent, ensemble, la base théologique d’une approche positive des autres traditions religieuses et de la pratique du dialogue interreligieux.

Le mystère de l’unité de toute l’humanité

28 Il y a d’abord le fait que toute l’humanité forme une seule famille basée sur une origine commune, tous les hommes et toutes les femmes étant créés par Dieu à sa propre image. Parallèlement, tous ont une destinée commune, puisque tous sont appelés à trouver en Dieu la plénitude de vie. De plus, il n’y a qu’un plan divin de salut, ayant son centre en Jésus Christ qui, dans son Incarnation, «s’est uni lui-même, d’une certaine manière, à chaque homme» (cf. Redemptor hominis, 13; Gaudium et spes, 22, 2). Et, finalement, il y a la présence active du Saint-Esprit dans la vie religieuse des membres des autres traditions religieuses. Le Pape conclut donc à «un mystère d’unité» qui s’est clairement manifesté à Assise, «malgré les différences entre les professions religieuses»[10][11].

L’unité du salut.

29 Il découle de ce mystère d’unité que tous ceux et celles qui sont sauvés participent, bien que différemment, au même mystère de salut en Jésus Christ par son Esprit. Les chrétiens en sont bien conscients, grâce à leur foi, tandis que les autres demeurent inconscients du fait que Jésus Christ est la source de leur salut. Le mystère du salut les atteint, néanmoins, par des voies connues de Dieu seul, grâce à l’action invisible de l’Esprit du Christ. Concrètement, c’est dans la pratique sincère de ce qui est bon dans leurs traditions religieuses et en suivant les directives de leur conscience, que les membres des autres religions répondent positivement à l’appel de Dieu et reçoivent le salut en Jésus Christ, même s’ils ne le reconnaissent et ne le confessent pas comme leur Sauveur (cf. Ad gentes, 3, 9, 11).

La nécessité du discernement

30 Les fruits de l’Esprit de Dieu dans la vie personnelle des individus, chrétiens ou non, peuvent être facilement discernés (cf. Ga 5, 22-23). Identifier, dans les autres traditions religieuses, ces éléments de grâce capables de soutenir la réponse positive de leurs membres à l’appel de Dieu est bien plus difficile. Un discernement est ici requis, pour lequel des critères doivent être établis. Bien des personnes sincères, inspirées par l’Esprit de Dieu, ont certainement marqué de leur empreinte l’élaboration et le développement de leurs traditions religieuses respectives. Mais cela ne veut pas dire pour autant que tout en celles-ci soit nécessairement bon.

Les valeurs et contradictions

31 Affirmer que les autres traditions religieuses comprennent des «éléments de grâce» ne signifie pas pour autant que tout en elles soit le fruit de la grâce. Le péché a été à l’œuvre dans le monde et donc les autres traditions religieuses, malgré leurs valeurs positives, sont aussi le reflet des limitations de l’esprit humain qui est parfois enclin à choisir le mal. Une approche ouverte et positive des autres traditions religieuses n’autorise donc pas à fermer les yeux sur les contradictions qui peuvent exister entre elles et la révélation chrétienne. Là où c’est nécessaire, on doit reconnaître qu’il y a incompatibilité entre certains éléments essentiels de la religion chrétienne et certains aspects de ces traditions.

Le dialogue et la purification.

32 Cela signifie donc que, tout en entrant avec un esprit ouvert dans le dialogue avec les membres des autres traditions religieuses, les chrétiens peuvent, d’une manière pacifique, les inciter à réfléchir au contenu de leur croyance. Mais les chrétiens eux-mêmes doivent accepter, à leur tour, d’être remis en question. En effet, malgré la plénitude de la révélation de Dieu en Jésus Christ, la manière suivant laquelle ils comprennent parfois leur religion et la vivent peut avoir besoin de purification.

B) La place du dialogue interreligieux dans la mission évangélisatrice de l’Église

L’Église, sacrement universel de salut

33 L’Eglise a été voulue par Dieu et instituée par le Christ pour être, dans la plénitude des temps, signe et instrument du plan divin de salut (cf. Lumen gentium, 1) au centre duquel se trouve le mystère du Christ. Elle est le «sacrement universel de salut» (Lumen gentium, 48) et est nécessaire pour le salut (Lumen gentium, 14). Le Seigneur Jésus lui-même a inauguré sa mission «en prêchant la Bonne Nouvelle, l’avènement du Règne de Dieu» (Lumen gentium, 5).

Le germe et le commencement du Royaume

34 La relation entre l’Eglise et le Royaume est donc mystérieuse et complexe. Comme l’enseigne Vatican II, «le Royaume est avant tout révélé dans la personne même du Christ». Toutefois, l’Eglise, qui a reçu du Seigneur Jésus la mission d’annoncer le Royaume, «est, sur terre, le germe et le commencement de ce Royaume». En même temps, l’Eglise «croît lentement vers la maturité (et) aspire à l’accomplissement du Royaume» (Lumen gentium, 5). Ainsi, «le Royaume est inséparable de l’Eglise car tous deux sont inséparables de la personne et de l’œuvre de Jésus lui-même… Il n’est donc pas possible de séparer l’Eglise du Royaume comme si la première appartenait exclusivement au domaine imparfait de l’histoire et que le second soit l’accomplissement eschatologique parfait du plan divin de salut»[11][12].

Les traditions religieuses et l’Eglise.

35 Les membres des autres traditions religieuses sont ordonnés ou orientés (ordinantur) à ou vers l’Eglise, en ce qu’elle est le sacrement dans lequel le Royaume de Dieu est «mystérieusement» présent, car, dans la mesure où ils répondent aux appels de Dieu perçus dans leur conscience, ils sont sauvés en Jésus Christ et partagent donc déjà en quelque sorte la réalité signifiée par le Royaume. La mission de l’Eglise est de faire croître «le Royaume de notre Seigneur et de son Christ» (Ap 11, 15), au service duquel elle est placée. Une partie de ce rôle consiste donc à reconnaître que la réalité de ce Royaume peut se trouver à l’état inchoatif aussi au-delà des frontières de l’Eglise, par exemple dans le cœur des membres d’autres traditions religieuses dans la mesure où ils vivent des valeurs évangéliques et sont ouverts à l’action de l’Esprit. Il faut rappeler cependant que cette réalité est en vérité à l’état inchoatif; elle trouvera son achèvement en étant ordonnée au Royaume du Christ qui est déjà présent dans l’Eglise mais qui ne se réalisera pleinement que dans le monde à venir.

L’Église en pèlerinage

36 L’Eglise demeure ici, sur terre, en pèlerinage. Bien qu’elle soit sainte par institution divine, ses membres ne sont pas parfaits; ils portent la marque des limitations humaines. En conséquence, elle perd de sa transparence comme sacrement du salut. Et c’est la raison pour laquelle l’Eglise elle-même, «en tant qu’institution humaine et terrestre», et non point seulement ses membres, éprouve un besoin constant de réforme et de rénovation (cf. Unitatis redintegratio, 6).

Vers la plénitude de la vérité divine

37 Quand il s’agit de la Révélation divine, le Concile enseigne que «la profonde vérité que cette Révélation manifeste, sur Dieu et sur le salut de l’homme, resplendit pour nous dans le Christ, qui est à la fois Médiateur et plénitude de toute la Révélation» (Dei verbum, 2). Fidèles au commandement reçu du Christ lui-même, les Apôtres ont transmis, à leur tour, cette Révélation. Aussi «cette Tradition qui vient des Apôtres se poursuit dans l’Eglise, sous l’assistance du Saint-Esprit: c’est ainsi que s’accroît la perception des choses aussi bien que des paroles transmises» (Dei verbum, 8). Tout ceci se réalise grâce à l’étude et à l’expérience spirituelle, et s’exprime aussi grâce à l’enseignement des évêques qui ont reçu un charisme assuré de la vérité. C’est ainsi que l’Eglise «tend constamment vers la plénitude de la vérité, jusqu’à ce que ce que soient accomplies en elle les paroles de Dieu» (ibid.). Ceci n’est nullement en contradiction avec l’institution divine de l’Eglise ni avec la plénitude de la Révélation divine en Jésus Christ qui lui a été confiée.

Le dialogue du salut

38 Dans ce contexte, il devient plus facile de voir pourquoi et dans quel sens le dialogue interreligieux est un élément intégrant de la mission évangélisatrice de l’Eglise. La raison fondamentale de l’engagement de l’Eglise dans le dialogue n’est pas simplement de nature anthropologique: elle est aussi théologique. Dieu, dans un dialogue qui dure au long des âges, a offert et continue à offrir le salut à l’humanité. En fidélité à l’initiative divine, l’Eglise se doit donc d’entrer dans un dialogue de salut avec tous.

Les méthodes de présence, respect et amour envers tous

39 Le Pape Paul VI l’a clairement enseigné dans sa première encyclique, Ecclesiam suam. Le Pape Jean-Paul II a également souligné que l’Eglise est invitée au dialogue interreligieux auquel il a donné le même fondement. S’adressant aux participants de l’Assemblée plénière du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux en 1984, le Pape déclarait: «Le dialogue (interreligieux) est fondamental pour l’Eglise qui est appelée à collaborer au plan de Dieu par ses méthodes de présence, de respect et d’amour pour tous les hommes». Il continuait alors en attirant l’attention sur un passage du décret Ad gentes: «Dans leur vie et leur activité, les disciples du Christ, intimement unis aux hommes, espèrent leur présenter le vrai témoignage du Christ et travailler en vue de leur salut, même là où ils ne peuvent annoncer pleinement le Christ» (Ad gentes, 12). Il avait d’ailleurs dit auparavant: «Le dialogue s’insère dans la mission salvifique de l’Eglise; c’est pourquoi il est un dialogue de salut»[12][13].

Collaborer avec l’Esprit-Saint

40 Dans ce dialogue de salut, les chrétiens et les autres sont tous appelés à collaborer avec l’Esprit du Seigneur ressuscité, Esprit qui est universellement présent et agissant. Le dialogue interreligieux ne tend pas simplement à une compréhension mutuelle et à des relations amicales. Il parvient à un niveau beaucoup plus profond, celui-là même de l’esprit, où l’échange et le partage consistent en un témoignage mutuel de ce que chacun croit et une exploration commune des convictions religieuses respectives. Par le dialogue, les chrétiens et les autres sont invités à approfondir les dimensions religieuses de leur engagement et à répondre, avec une sincérité croissante, à l’appel personnel de Dieu et au don gratuit qu’il fait de lui-même, don qui passe toujours, comme notre foi nous le dit, par la médiation de Jésus Christ et l’œuvre de son Esprit.

La conversion à Dieu.

41 Etant donné cet objectif, à savoir une conversion plus profonde de tous à Dieu, le dialogue interreligieux possède sa propre valeur. Durant ce processus de conversion, «peut naître la décision d’abandonner la position spirituelle ou religieuse précédente pour en embrasser une autre» (Dialogue et mission, 37). Le dialogue sincère implique d’une part que l’on accepte l’existence de différences et même de contradictions, et d’autre part que l’on respecte la libre décision que les personnes prennent en accord avec les impératifs de leur conscience (cf. Dignitatis humanæ, 2). Il faut cependant se souvenir de l’enseignement du Concile: «Tous les hommes sont tenus de chercher la vérité, surtout en ce qui concerne Dieu et son Eglise; et quand ils l’ont connue, de l’embrasser et de lui être fidèles» (Dignitatis humanæ, 1).

C) Formes de dialogue

Les formes du dialogue

42 Il existe différentes formes de dialogue interreligieux. Il semble cependant utile de rappeler ici celles que mentionne le document de 1984 du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Quatre formes y sont mentionnées, sans qu’on ait voulu y mettre un ordre de priorité:

42.1. Le dialogue de la vie, où les gens s’efforcent de vivre dans un esprit d’ouverture et de bon voisinage, partageant leurs joies et leurs peines, leurs problèmes et leurs préoccupations humaines;

42.2. Le dialogue des œuvres, où il y a collaboration en vue du développement intégral et de la libération totale de l’homme;

42.3. Le dialogue des échanges théologiques, où des spécialistes cherchent à approfondir la compréhension de leurs héritages religieux respectifs et à apprécier les valeurs spirituelles les uns des autres;

42.4. Le dialogue de l’expérience religieuse, où des personnes enracinées dans leurs propres traditions religieuses partagent leurs richesses spirituelles, par exemple par rapport à la prière et à la contemplation, à la foi et aux voies de la recherche de Dieu ou de l’Absolu.

L’interdépendance des diverses formes de dialogue

43 Il ne faut pas perdre de vue cette variété des formes de dialogue. Si on réduisait celui-ci à l’échange théologique, le dialogue pourrait être facilement considéré comme un produit de luxe dans la mission de l’Eglise, et donc un domaine réservé à des spécialistes. Au contraire, guidées par le Pape et leurs évêques, toutes les Eglises locales et tous les membres de ces Eglises sont appelés au dialogue, mais non point tous de la même manière. Il est en outre évident que les différentes formes sont liées les unes aux autres. Les contacts de la vie quotidienne et l’engagement commun dans l’action ouvriront normalement la voie pour promouvoir ensemble les valeurs humaines et spirituelles. Ils peuvent ensuite conduire aussi au dialogue de l’expérience religieuse, en réponse aux graves questions que les circonstances de la vie ne manquent pas de susciter dans l’esprit humain (cf. Nostra ætate, 2). Les échanges au niveau de l’expérience religieuse peuvent également rendre plus vivantes et profondes les discussions théologiques. Celles-ci en retour peuvent éclairer les expériences et encourager des contacts plus étroits.

Le dialogue et la libération humaine

44 Il faut également souligner l’importance du dialogue pour le développement intégral, la justice sociale et la libération humaine. Les Eglises locales, comme témoins de Jésus Christ, sont appelées à s’engager en ce domaine de manière désintéressée et en toute impartialité. Il faut qu’elles se mobilisent en faveur des droits de l’homme, qu’elles proclament les exigences de la justice et qu’elles dénoncent les injustices, non seulement quand leurs propres membres en sont les victimes, mais indépendamment de l’appartenance religieuse des personnes qui en souffrent. Il faut aussi que tous s’associent pour essayer de résoudre les graves problèmes auxquels la société et le monde doivent faire face, et pour promouvoir l’éducation à la justice et à la paix.

Le dialogue et la culture.

45 Un autre contexte dans lequel le dialogue interreligieux semble urgent aujourd’hui est celui de la culture. Le concept de culture est plus large que celui de religion. Selon une certaine conception, la religion représente la dimension transcendante de la culture et donc son âme. Les religions ont certainement contribué au progrès de la culture et à l’édification d’une société plus humaine. Cependant, les pratiques religieuses ont parfois aussi eu une influence aliénante à l’égard des cultures et une culture autonome sécularisée peut aujourd’hui jouer un rôle critique vis-à-vis de certains éléments négatifs dans telle ou telle religion. La question est donc complexe, car plusieurs religions peuvent coexister dans un seul et même cadre culturel, alors qu’une même religion peut trouver à s’exprimer dans des contextes culturels différents. Il arrive même que des différences religieuses peuvent conduire à des cultures distinctes dans une même région.

Les tensions et les conflits

46 Le message chrétien promeut nombre de valeurs qui se trouvent et sont vécues dans la sagesse et le riche patrimoine des cultures, mais il peut aussi mettre en question des valeurs généralement acceptées dans une culture donnée. C’est dans un dialogue attentif qu’il faut savoir reconnaître et accueillir les valeurs culturelles qui favorisent la dignité de l’homme et son destin transcendant. D’autre part, certains aspects de cultures traditionnellement chrétiennes peuvent être remis en question par les cultures locales d’autres traditions religieuses (cf. Evangelii nuntiandi, 20). Dans ces relations complexes entre culture et religion, le dialogue interreligieux, au niveau de la culture, revêt donc une importance considérable. Son objectif sera de surmonter les tensions et les conflits, et même les éventuelles confrontations par une meilleure compréhension entre les cultures religieuses variées en une région donnée. Il pourra contribuer à purifier les cultures de tout élément déshumanisant et être ainsi un agent de transformation. Il pourra aussi aider à promouvoir des valeurs culturelles traditionnelles menacées par la modernité et le nivellement vers le bas que toute internationalisation indifférenciée peut porter avec soi.

D) Dispositions et fruits du dialogue interreligieux

Une attitude équilibrée

47 Le dialogue demande, de la part des chrétiens aussi bien que de la part des membres des autres traditions, une attitude équilibrée. Ils ne devraient être ni trop ingénus ni hypercritiques, mais bien plutôt d’esprit ouvert et accueillant. Le désintéressement et l’impartialité, ainsi que l’acceptation des différences, voire des possibles contradictions, ont déjà été mentionnés. Mais il s’agit aussi d’être résolus à s’engager ensemble au service de la vérité et d’être prêts à se laisser transformer par la rencontre.

Sa conviction religieuse

48 Ceci ne signifie pas que, lorsqu’ils entrent en dialogue, les partenaires doivent faire abstraction de leurs convictions religieuses respectives. C’est le contraire qui est vrai: la sincérité du dialogue interreligieux exige qu’on y entre avec l’intégralité de sa propre foi. En même temps, tout en restant fermes dans la foi qui est la leur, à savoir que la plénitude de la révélation leur a été donnée en Jésus Christ, unique médiateur entre Dieu et les hommes (cf. 1 Tm 2, 4-6), les chrétiens doivent se rappeler que Dieu s’est aussi manifesté de quelque manière aux membres des autres traditions religieuses. Par conséquent, c’est dans un esprit de compréhension qu’ils sont appelés à envisager les convictions et les valeurs des autres.

L’ouverture à la vérité

49 En outre, la plénitude de la vérité reçue en Jésus Christ ne donne pas au chrétien la garantie qu’il a aussi pleinement assimilé cette vérité. En dernière analyse, la vérité n’est pas une chose que nous possédons, mais une personne par qui nous devons nous laisser posséder. C’est là une entreprise sans fin. Tout en gardant intacte leur identité, les chrétiens doivent être prêts à apprendre et à recevoir des autres et à travers eux les valeurs positives de leurs traditions. Par le dialogue, ils peuvent être conduits à vaincre des préjugés invétérés, à réviser des idées préconçues et même parfois à accepter que la compréhension de leur foi soit purifiée.

Les nouvelles dimensions de la foi

50 Si les chrétiens entretiennent une telle ouverture et s’ils acceptent d’être mis eux-mêmes à l’épreuve, ils deviendront capables de cueillir les fruits du dialogue. Ils découvriront alors avec admiration tout ce que Dieu, par Jésus Christ et en son Esprit, a réalisé et continue à réaliser dans le monde et dans l’humanité tout entière. Loin d’affaiblir leur foi chrétienne, le vrai dialogue l’approfondira. Ils deviendront toujours plus conscients de leur identité chrétienne et percevront plus clairement ce qui est propre au message chrétien. Leur foi gagnera de nouvelles dimensions, tandis qu’ils découvriront la présence agissante du mystère de Jésus Christ au-delà des frontières visibles de l’Église et du bercail chrétien.

E) Obstacles au dialogue

Les obstacles au dialogue

51 Déjà sur le plan simplement humain, il n’est pas facile de pratiquer le dialogue. Le dialogue interreligieux est encore plus difficile. Il importe d’être conscients des obstacles qui peuvent se présenter. Certains peuvent se vérifier dans les membres des diverses traditions religieuses et peuvent donc entraver la réussite du dialogue. D’autres affecteront plus spécialement certaines traditions religieuses et peuvent donc rendre difficile toute initiative en vue d’engager un processus de dialogue.

Les facteurs humains

52 Quelques-uns des obstacles qui semblent les plus importants sont mentionnés ici:

52.1. Un enracinement insuffisant en sa propre foi;

52.2. Une connaissance et une compréhension insuffisantes de la croyance et de la pratique des autres religions, pouvant mener à un manque d’appréciation de leur signification et parfois même à de fausses interprétations;

52.3. Des différences culturelles qui proviennent de niveaux différents d’instruction ou du recours à des langues différentes;

52.4. Des facteurs socio-politiques ou certaines séquelles du passé;

52.5. Une mauvaise compréhension de termes tels que conversion, baptême, dialogue, etc.;

52.6. Une suffisance, un manque d’ouverture, qui conduisent à une attitude défensive, voire à l’agressivité;

52.7. Un manque de conviction à l’égard du dialogue interreligieux, que certains peuvent considérer comme une tâche réservée à des spécialistes et que d’autres considèrent comme un signe de faiblesse ou même comme une trahison de la foi;

52.8. Le soupçon au sujet des motivations du partenaire dans le dialogue;

52.9. Un esprit de polémique, quand on exprime des convictions religieuses;

52.10. L’intolérance, souvent aggravée lorsqu’elle est associée à des facteurs politiques, économiques, raciaux et ethniques; et un manque de réciprocité dans le dialogue, pouvant mener à un sentiment de frustration;

52.11. Certains traits du climat religieux actuel: matérialisme croissant, indifférence religieuse et multiplication des sectes qui crée de la confusion et soulève de nouveaux problèmes.

L’initiative de Dieu

53 Beaucoup de ces obstacles proviennent d’un manque de compréhension de la vraie nature et du but du dialogue interreligieux. Ceux-ci doivent donc être sans cesse expliqués. Beaucoup de patience est ici requise. On doit également rappeler ici que l’engagement de l’Église dans le dialogue ne dépend aucunement des résultats obtenus dans la compréhension et l’enrichissement mutuels. Cet engagement naît bien plutôt de l’initiative de Dieu entrant en dialogue avec l’humanité et de l’exemple de Jésus Christ dont la vie, la mort et la résurrection ont donné au dialogue son expression ultime.

Partager les valeurs évangéliques

54 En outre, les obstacles, bien que réels, ne doivent pas nous conduire à sous-estimer les possibilités de dialogue ou à négliger les résultats déjà obtenus. Il y a eu quelques progrès dans la compréhension mutuelle et dans la coopération active. Le dialogue a également eu un impact positif sur l’Église elle-même. D’autres religions ont aussi été amenées, par le dialogue, à un renouveau et à une plus grande ouverture. Le dialogue interreligieux a permis à l’Eglise de partager les valeurs évangéliques avec d’autres. C’est pourquoi, malgré les difficultés, l’engagement de l’Eglise dans le dialogue demeure ferme et irréversible.

2. L’Annonce de Jésus Christ

A) Le commandement du Seigneur ressuscité

Messagers de l’Evangile

55 Le Seigneur Jésus a donné à ses disciples la mission d’annoncer l’Évangile. Ce fait est rapporté par les quatre évangiles et par les Actes des Apôtres. Il s’y trouve cependant certaines nuances suivant les traditions ici rapportées. Dans l’évangile de Matthieu, Jésus dit à ses disciples: «Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous pour toujours, jusqu’à la fin du monde» (Mt 28, 18-20).

L’évangile de Marc donne ce commandement en forme plus succincte: «Allez par le monde entier, proclamant la Bonne Nouvelle à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé; celui qui ne croira pas, sera condamné» (Mc 16, 15-16).

Dans l’évangile de Luc, l’expression en est moins directe: «Ainsi il était écrit que le Christ souffrirait et ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et qu’en son Nom le repentir en vue de la rémission des péchés serait proclamé à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. De cela, vous êtes témoins» (Lc 24, 46-48). Les Actes mettent l’accent sur l’étendue du témoignage: «Vous allez donc recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux confins de la terre» (Ac 1, 8).

Et dans l’évangile de Jean, cette mission est encore exprimée différemment: «Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde» (Jn 17, 18); «Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie» (Jn 20, 21).

Annoncer la Bonne Nouvelle à tous les hommes, rendre témoignage, faire des disciples, baptiser, enseigner, tous ces aspects constituent la mission évangélisatrice de l’Eglise, et ils doivent être vus à la lumière de la mission de Jésus lui-même, la mission qu’il a reçue du Père.

La présence du Royaume

56 Jésus proclamait en ces termes la Bonne Nouvelle venue de Dieu: «Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est tout proche; repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle» (Mc 1,14-15). Ce passage résume tout le ministère de Jésus. Jésus proclame cette Bonne Nouvelle du Royaume non seulement par ses paroles mais aussi par ses actes, ses attitudes et ses choix, c’est-à-dire par toute sa vie et finalement par sa mort et sa résurrection. Ses paraboles, ses miracles, les exorcismes qu’il accomplit, tout est lié au Royaume de Dieu qu’il annonce. De plus, ce Royaume n’est pas simplement pour lui un objet de prédication, sans lien avec sa propre personne. Jésus montre clairement que c’est par lui et en lui que le Règne de Dieu est en train de s’instaurer dans le monde (cf. Lc 17, 20-21), et qu’en lui le Royaume est déjà présent parmi nous, même s’il doit encore croître vers sa plénitude[13][14].

Le témoignage à travers sa vie

57 Son enseignement est confirmé par sa vie. «Quand bien même vous ne croiriez pas, croyez en ces œuvres» (Jn 10, 38). De la même manière, ses œuvres sont expliquées par ses paroles qui prennent leur source dans sa conscience d’être un avec le Père. «En vérité, en vérité, je vous le dis, le Fils ne peut rien faire de lui-même qu’il ne le voie faire au Père» (Jn 5,19). Devant Pilate, Jésus a dit qu’il était venu dans le monde «pour rendre témoignage à la vérité» (Jn 18, 37). Le Père lui-même rend également témoignage à Jésus, aussi bien par des paroles venant du ciel qu’à travers les œuvres puissantes et les signes que Jésus est capable d’accomplir. C’est l’Esprit qui donne son «sceau» au témoignage de Jésus, authentifiant que celui-ci est vrai (cf. Jn 3, 32-35).

B) Le rôle de l’Église

L’activité de l’Église pour l’annonce

58 C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la mission confiée par le Seigneur ressuscité à l’Eglise apostolique. La mission de l’Eglise est de proclamer le Royaume de Dieu établi sur terre en Jésus Christ, par sa vie, sa mort et sa résurrection, comme le don décisif et universel de salut que Dieu fait au monde. C’est pourquoi «il n’y a pas d’évangélisation vraie si le nom, l’enseignement, la vie, les promesses, le Règne et le mystère de Jésus de Nazareth, Fils de Dieu, ne sont pas annoncés» (Evangelii nuntiandi, 22). Il y a donc continuité entre le Royaume prêché par Jésus et le mystère du Christ annoncé par l’Église.

Au service du Royaume.

59 Continuant la mission de Jésus, l’Eglise est «le germe et le commencement» du Royaume (Lumen gentium, 5). Elle est au service de ce Royaume et en «témoigne». Cela inclut un témoignage de la foi en Jésus Christ, le Sauveur, puisque c’est le cœur même de sa foi et de sa vie. Dans l’histoire de l’Eglise, tous les apôtres furent «témoins» de la vie, de la mort et de la résurrection du Christ[14][15]. Le témoignage se donne en paroles et en actes qu’on ne peut opposer les uns aux autres. L’acte ratifie la parole, mais sans la parole l’acte peut être mal interprété. Le témoignage des apôtres, en paroles comme en signes, est subordonné à l’Esprit Saint, envoyé par le Père, pour remplir cette tâche du témoignage[15][16].

C) Le contenu de l’annonce

Pierre annonce le Christ ressuscité

60 Au jour de la Pentecôte, le Saint-Esprit descendit sur les Apôtres, accomplissant la promesse du Christ. A ce moment-là, «il y avait, résidant à Jérusalem, des hommes pieux venus de toutes les nations qui sont sous le ciel» (Ac 2, 5). La liste des peuples présents donnée dans le livre des Actes sert à souligner la portée universelle de ce premier événement ecclésial. Au nom des Onze, Pierre s’adressa à la foule rassemblée, annonçant Jésus accrédité par Dieu par des miracles et des prodiges, crucifié par les hommes, mais ressuscité par Dieu. Il conclut en disant: «Que toute la maison d’Israël le sache donc avec certitude: Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié» (Ac 2, 36). Il continua en invitant ses auditeurs à se repentir, à devenir disciples de Jésus, par le baptême en son nom pour la rémission de leurs péchés, et à recevoir ainsi le don du Saint-Esprit. Un peu plus tard, devant le Sanhédrin, Pierre témoigna de sa foi dans le Christ ressuscité, en affirmant clairement: «Il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes par lequel il nous faille être sauvés» (Ac 4, 11-12). L’universalité du message chrétien du salut apparaît de nouveau dans le récit de la conversion de Corneille. Quand Pierre témoigne de la vie et de l’œuvre de Jésus, depuis le commencement de son ministère en Galilée jusqu’à sa résurrection, «l’Esprit Saint tomba sur tous ceux qui écoutaient la parole», si bien que ceux qui accompagnaient Pierre étaient stupéfaits de voir que «le don du Saint Esprit avait été répandu aussi sur les païens» (Ac 10, 44-45).

Paul annonce le Mystère tenu caché depuis les siècles

61 Les Apôtres se présentent donc, après l’événement de la Pentecôte, comme témoins de la résurrection du Christ (cf. Ac 1, 22; 4, 33; 5, 32-33) ou, selon une formule plus concise, simplement comme les témoins du Christ (cf. Ac 3,15 ; 13, 31). C’est dans le cas de Paul que ceci apparaît le plus clairement. Il est «apôtre par vocation, mis à part pour annoncer l’Evangile» (Rm 1, 1-2). Il a reçu de Jésus Christ «grâce et apostolat pour prêcher, à l’honneur de son nom, l’obéissance de la foi parmi les païens» (Rm 1, 5). Paul prêche «l’Evangile de Dieu, que d’avance il avait promis par ses prophètes dans les saintes Ecritures» (Rm 1, 2), «l’Evangile de son Fils» (Rm 1, 9). Il prêche un Christ crucifié, «scandale pour les juifs et folie pour les païens» (1 Co 1, 23; cf. 2, 2). «De fondement, en effet, nul n’en peut poser d’autre que celui qui s’y trouve» (1 Co 3, 11). Tout le message de Paul est, pour ainsi dire, résumé dans sa déclaration solennelle aux Ephésiens: «A moi, le moindre de tous les saints, a été confiée cette grâce-là d’annoncer aux païens l’insondable richesse du Christ et de mettre en pleine lumière la dispensation du Mystère; il a été tenu caché depuis les siècles en Dieu, le Créateur de toutes les choses, la sagesse infinie en ressources déployée par Dieu, et connue par le moyen de l’Eglise en ce dessein éternel qu’il a conçu dans le Christ Jésus notre Seigneur» (Ep 3, 8-11).

Le même message se trouve dans les Lettres pastorales. Dieu «veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous» (1 Tm 2, 44). Ce «mystère de notre religion» qui est «très profond» trouve son expression dans un fragment liturgique: «Il a été manifesté dans la chair, justifié dans l’Esprit, vu des anges, proclamé chez les païens, cru dans le monde, enlevé dans la gloire» (1 Tm 3, 16).

Jean rend témoignage au Verbe de vie.

62 Si nous passons à l’apôtre Jean, nous trouvons qu’il se présente avant tout comme un témoin, quelqu’un qui a vu Jésus et qui a découvert son mystère (cf. Jn 13, 23 et 25; 21, 24). «Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons afin que vous soyez en communion avec nous» (1 Jn 1, 3). «Nous, nous avons contemplé et nous attestons que le Père a envoyé son Fils, le sauveur du monde» (1 Jn 4, 14). L’Incarnation est au centre du message de Jean: «Le Verbe s’est fait chair, il a demeuré parmi nous et nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité» (Jn 1, 14). En Jésus, donc, on peut voir le Père (cf. Jn 14, 9); il est le chemin vers le Père (Jn 14, 6). Élevé sur la croix, il attire tous les hommes (cf. Jn 12, 32). Il est vraiment «le Sauveur du monde» (Jn 4, 42).

Le pouvoir de la Parole de l’Eglise.

63 «Proclame la parole», écrit Paul à Timothée (2 Tm 4, 2). Le contenu de cette parole est exprimé de différentes manières; c’est le Royaume (cf. Ac 20, 25), la Bonne Nouvelle du Royaume (cf. Mt 24, 14), la Bonne Nouvelle venue de Dieu (cf. Mc 1, 14 ; 1 Th 2, 9). Mais ces différentes formulations signifient au fond la même chose: prêcher Jésus (cf. Ac 9, 20; 19, 13), prêcher le Christ (cf. Ac 8, 5). De même que Jésus a prononcé les paroles de Dieu (cf. Jn 3, 34), de même les Apôtres prêchent la parole de Dieu, car Jésus qu’ils prêchent est la Parole.

Le message chrétien est donc un message puissant, qu’il faut accueillir pour ce qu’il est réellement, «non une parole d’hommes, mais la parole de Dieu» (1 Th 2, 13). Acceptée dans la foi, la parole sera «vivante et efficace», «plus incisive qu’un glaive à deux tranchants» (He 4, 12). Ce sera une parole qui purifie (cf. Jn 15, 3); elle sera la source de la vérité qui rend libre (cf. Jn 8, 31-32). La parole deviendra une présence intérieure: «Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera et nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure» (Jn 14, 23). Telle est la parole de Dieu qui doit être proclamée par les chrétiens.

D) La présence et la force du Saint-Esprit  

La présence de l’Esprit-Saint

64 En proclamant cette parole, l’Église sait qu’elle peut compter sur le Saint-Esprit qui en même temps inspire l’annonce et conduit ceux qui l’écoutent à l’obéissance de la foi.

«C’est l’Esprit qui, aujourd’hui comme aux débuts de l’Eglise, agit en chaque évangélisateur qui se laisse posséder et conduire par lui, et met dans sa bouche les mots que seul il ne pourrait trouver, tout en disposant aussi l’âme de celui qui l’écoute pour le rendre ouvert et accueillant à la Bonne Nouvelle et au Règne annoncé» (Evangelii nuntiandi, 75).

La puissance de l’Esprit-Saint

65 La force de l’Esprit est attestée par le fait que le témoignage le plus puissant est souvent donné au moment précis où le disciple est le plus désemparé, ne sachant ni quoi dire ni quoi faire, mais où il reste cependant fidèle. Comme le dit Paul: «C’est de grand cœur que je me vanterai surtout de mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ. Oui, je me complais dans mes faiblesses, dans les outrages, les détresses, les persécutions, les angoisses endurés pour le Christ; car lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort» (2 Co 12, 9-10). Le témoignage par lequel l’Esprit amène les hommes et les femmes à connaître Jésus comme Seigneur n’est pas une réalisation humaine mais l’œuvre de Dieu.

E) L’urgence de l’annonce

Le devoir d’annoncer

66 Comme l’a dit le Pape Paul VI dans son Exhortation Evangelii nuntiandi: «La présentation du message évangélique n’est pas pour l’Eglise une contribution facultative; c’est le devoir qui lui incombe, par mandat du Seigneur Jésus, afin que les hommes puissent croire et être sauvés. Oui, ce message est nécessaire. Il est unique. Il ne saurait être remplacé. Il ne souffre ni indifférence, ni syncrétisme, ni accommodation. C’est le salut des hommes qui est en cause» (Evangelii nuntiandi, 5). L’urgence de l’annonce a été soulignée par Paul: «Mais comment l’invoquer sans d’abord croire en lui? Et comment croire sans d’abord l’entendre? Et comment l’entendre si personne ne prêche?… Ainsi la foi naît de la prédication et la prédication se fait par la parole du Christ» (Rm 10, 14 s.). «Cette loi posée un jour par l’apôtre Paul garde encore aujourd’hui toute sa force… C’est la Parole entendue qui conduit à croire» (Evangelii nuntiandi, 42). Il est bon de se rappeler aussi cette autre parole de Paul: «Prêcher l’Évangile en effet n’est pas pour moi un titre de gloire: c’est une nécessité qui m’incombe. Oui, malheur à moi si je ne prêchais pas l’Évangile!» (1 Co 9, 16).

Annoncer le salut en Jésus Christ.

67 L’annonce est une réponse aux aspirations de l’humanité au salut. «Partout où Dieu ouvre un champ libre à la prédication pour proclamer le mystère du Christ, on doit annoncer à tous les hommes avec assurance et persévérance le Dieu vivant, et Celui qu’il a envoyé pour le salut de tous, Jésus Christ, pour que les non-chrétiens, le Saint-Esprit ouvrant leur cœur, croient et se convertissent librement au Seigneur et s’attachent loyalement à lui qui, étant “le Chemin, la Vérité, la Vie” (Jn 14, 6), comble toutes leurs attentes spirituelles, bien plus les dépasse de façon infinie» (Ad gentes, 13).

F) Les modalités de l’annonce

Sous la conduite de l’Esprit

68 En proclamant le message de Dieu en Jésus Christ, l’Église évangélisatrice doit toujours se rappeler que cette annonce ne s’accomplit pas dans un vide complet. Car l’Esprit Saint, l’Esprit du Christ, est présent et agissant parmi ceux qui entendent la Bonne Nouvelle, même avant que l’action missionnaire de l’Église ne soit engagée (Redemptor hominis, 12; Dei verbum, 53). Dans bien des cas, ils peuvent avoir déjà répondu implicitement à l’offre de salut en Jésus Christ: un des signes peut en être la pratique sincère de leurs propres traditions religieuses, dans la mesure même où celles-ci contiennent des valeurs religieuses authentiques. Ils peuvent déjà avoir été touchés par l’Esprit et être associés, d’une certaine manière, et sans le savoir, au Mystère pascal de Jésus Christ (Gaudium et spes, 22).

Apprendre à annoncer

69 Attentive à ce que Dieu a déjà accompli en ceux à qui elle s’adresse, l’Église cherche à découvrir la manière adéquate pour annoncer la Bonne Nouvelle. Elle suit la pédagogie divine. Ceci signifie qu’elle se met à l’école de Jésus lui-même et observe les temps et les saisons à l’écoute de l’Esprit. Ce n’est que progressivement que Jésus a révélé à ses auditeurs la signification du Royaume, le plan de salut de Dieu réalisé dans son propre mystère. C’est graduellement, et avec un soin infini, qu’il leur a dévoilé le contenu de son message, son identité de Fils de Dieu et le scandale de la croix. Même ses disciples les plus proches, comme l’attestent les Évangiles, ne sont parvenus à la foi complète en leur Maître qu’à travers leur expérience pascale et le don de l’Esprit. Ceux donc qui désirent se faire disciples de Jésus aujourd’hui, passeront par ce même itinéraire fait de découverte et d’engagement. L’annonce faite par l’Église sera donc progressive et patiente à la fois, épousant l’allure de ceux qui entendent le message, respectant leur liberté et même «leur lenteur à croire» (cf. Evangelii nuntiandi, 79).

Les qualités même de l’Évangile

70 D’autres qualités doivent caractériser l’annonce faite par l’Église. Elle doit être:

70.1. Assurée, dans la puissance de l’Esprit et en obéissance au commandement reçu du Seigneur[16][17];

70.2. Fidèle dans la transmission de l’enseignement reçu du Christ et conservé dans l’Église, dépositaire de la Bonne Nouvelle à annoncer (cf. Evangelii nuntiandi, 15). La fidélité au message dont nous sommes les serviteurs est l’axe central de l’évangélisation (Evangelii nuntiandi, 4). «Evangéliser n’est pour personne un acte individuel et isolé, mais c’est un acte profondément ecclésial» (Evangelii nuntiandi, 60);

70.3. Humble, car consciente que la plénitude de la révélation en Jésus Christ a été reçue comme un don gratuit, et que la vie même des messagers de l’Evangile ne correspond pas toujours pleinement à ses exigences;

70.4. Respectueuse de la présence et de l’action de l’Esprit de Dieu dans les cœurs de ceux qui écoutent le message, reconnaissant que l’Esprit est «le principal évangélisateur» (Evangelii nuntiandi, 75);

70.5. Dialogale car, dans l’annonce, celui qui entend la Parole n’est pas supposé être un auditeur passif. Il y a donc un processus qui, partant des «semences du Verbe» déjà présentes dans l’auditeur, amène celui-ci au mystère complet du salut en Jésus Christ. L’Eglise doit reconnaître qu’il y a un processus de purification et d’illumination dans lequel l’Esprit de Dieu ouvre l’intelligence et le cœur de l’auditeur à l’obéissance de la foi;

70.6. Inculturée, incarnée dans la culture et la tradition spirituelle de ceux à qui elle est adressée afin que le message ne soit pas seulement intelligible pour eux mais soit perçu comme répondant à leurs plus profondes aspirations et donc comme étant vraiment la Bonne Nouvelle qu’ils attendent (cf. Evangelii nuntiandi, 20, 62).

En union étroite avec le Christ.

71 Pour maintenir ces qualités, l’Eglise ne doit pas seulement tenir compte des circonstances de la vie et de l’expérience religieuse de ceux à qui son message est adressé, elle doit aussi vivre en constant dialogue avec son Seigneur et Maître par la prière, la pénitence, la méditation et la vie liturgique, et tout particulièrement par l’Eucharistie. Alors seulement la proclamation et la célébration du message évangélique deviennent pleinement vivantes.

G) Obstacles à l’annonce

Les difficultés de l’annonce

72 L’annonce de la Bonne Nouvelle par l’Église implique de sérieuses exigences, tant pour l’Église évangélisatrice et ses membres engagés dans l’évangélisation que pour ceux qui sont appelés par Dieu à l’obéissance de la foi chrétienne. Ce n’est pas une tâche facile. Certains des principaux obstacles que l’on peut rencontrer sont ici mentionnés.

Obstacles intérieurs

73.1. Il se peut que le témoignage donné par le chrétien ne corresponde pas à sa foi; il y a alors un écart entre les paroles et les actes, entre le message chrétien et la manière dont il est vécu;

73.2. Le chrétien peut omettre d’annoncer l’Évangile par négligence, par respect humain, par honte, ce que saint Paul appelait «rougir de l’Évangile», ou par suite d’idées fausses (Evangelii nuntiandi, 80) au sujet du plan divin de salut;

73.3. Le chrétien qui n’apprécie et ne respecte ni les autres croyants ni leurs traditions religieuses est peu apte à leur annoncer la Bonne Nouvelle;

73.4. Chez certains chrétiens, une attitude de supériorité peut se manifester au niveau culturel. Cela pourrait laisser supposer que le message chrétien est lié à une culture particulière qui doit être imposée aux convertis.
et d’en-dehors de la communauté chrétienne.

Les obstacles extérieurs:

74.1. Le poids de l’histoire rend l’annonce plus difficile, puisque parfois certaines méthodes d’évangélisation utilisées jadis ont éveillé bien des soupçons et des craintes chez les membres des autres religions;

74.2. Les membres des autres religions peuvent craindre que la mission évangélisatrice de l’Eglise n’entraîne la disparition de leur propre religion et de leur propre culture;

74.3. Une conception différente des droits de l’homme ou leur non-application peut entraîner une atteinte à la liberté religieuse;

74.4. La persécution peut rendre l’annonce particulièrement difficile, voire impossible. Il faut cependant rappeler que la croix est source de vie: «le sang des martyrs est semence de chrétiens»;

74.5. L’identification d’une religion particulière avec la culture nationale, ou avec un système politique, crée un climat d’intolérance;

74.6. En certains endroits où la conversion est interdite par la loi ou bien où les convertis au christianisme rencontrent de sérieux problèmes sociaux, tels que l’ostracisme de la part de leur communauté religieuse d’origine, de leur milieu social ou de leur environnement culturel;

74.7. Dans un contexte pluraliste, le danger d’indifférentisme, de relativisme, de syncrétisme en matière religieuse, crée des obstacles à l’annonce de l’Evangile.

H) L’annonce dans la mission évangélisatrice de l’Église

Proclamer que Jésus est Fils de Dieu

75 La mission évangélisatrice de l’Église a quelquefois été comprise comme consistant simplement à inviter tous les hommes à devenir disciples de Jésus dans l’Église. Lentement, une compréhension plus large de l’évangélisation s’est développée, dans laquelle l’annonce du mystère du Christ demeure néanmoins centrale. Le décret du Concile Vatican II sur l’activité missionnaire de l’Église mentionne la solidarité avec l’humanité, le dialogue et la collaboration, avant de parler du témoignage et de l’annonce de l’Évangile (cf. Ad gentes, 11-13). Le Synode des évêques en 1974 et l’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi qui l’a suivi ont tous les deux pris le mot évangélisation en un sens large. Dans l’évangélisation, c’est la personne tout entière de l’évangélisateur qui rayonne par ses paroles, ses actions et son témoignage de vie (cf. Evangelii nuntiandi, 21-22). De même, son objet s’étend à tout ce qui est humain, car elle cherche à transformer la culture et les cultures par la force de l’Évangile (cf. Evangelii nuntiandi, 18-20). Mais le Pape Paul VI a bien précisé que «l’évangélisation contiendra aussi toujours, base, centre et sommet à la fois de son dynamisme, une claire proclamation qu’en Jésus Christ, le Fils de Dieu fait homme, mort et ressuscité, le salut est offert à tout homme, comme don de grâce et miséricorde de Dieu» (Evangelii nuntiandi, 27). C’est donc dans ce sens que le document de 1984 du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux inclut l’annonce parmi les divers éléments dont est composée la mission évangélisatrice de l’Eglise (cf. Dialogue et mission, 13).

Le devoir sacré d’annoncer

76 Il est utile, cependant, de souligner encore une fois que proclamer le nom de Jésus et inviter les humains à devenir ses disciples dans l’Église est un devoir important et même sacré que l’Eglise ne saurait négliger. Sans cela, l’évangélisation serait incomplète: sans cet élément central, les autres, tout en étant par eux-mêmes des formes authentiques de la mission de l’Eglise, perdraient leur cohésion et leur vitalité. Il est donc évident que, dans les situations où pour des raisons politiques ou autres l’annonce est pratiquement impossible, l’Eglise accomplit déjà sa mission évangélisatrice non seulement par sa présence et son témoignage mais aussi par ses activités telles que l’engagement pour le développement humain intégral et le dialogue lui-même. D’autre part, dans les situations où les gens sont disposés à entendre le message de l’Évangile et ont la possibilité d’y répondre, l’Église a le devoir d’aller à la rencontre de leurs attentes.

3. Dialogue interreligieux et annonce

A) Liés mais non interchangeables

La mission de l’Église

77 Le dialogue interreligieux et l’annonce, sans être sur le même plan, sont tous les deux des éléments authentiques de la mission évangélisatrice de l’Église. Tous les deux sont légitimes et nécessaires. Ils sont intimement liés mais non interchangeables: le vrai dialogue interreligieux suppose de la part du chrétien le désir de faire connaître et aimer toujours mieux Jésus Christ et l’annonce de Jésus Christ doit se faire dans l’esprit évangélique de dialogue. Les deux domaines, certes, restent distincts mais, comme l’expérience le montre, c’est la même et unique Église locale, c’est la même et unique personne qui peuvent être diversement engagées dans l’un et l’autre.

Etre sensible aux circonstances.

78 En pratique, la manière de remplir la mission de l’Église dépend des circonstances particulières de chaque Église locale, de chaque chrétien. Elle implique toujours une certaine sensibilité aux dimensions sociales, culturelles, religieuses et politiques de la situation, et une attention aux «signes des temps» par lesquels l’Esprit de Dieu parle, instruit et guide. Une telle sensibilité et une telle attention se développent à travers une spiritualité de dialogue. Celle-ci demande un discernement fondé sur la prière et une réflexion théologique sur la signification des différentes traditions religieuses dans le plan de Dieu, et sur la signification de l’expérience de ceux qui trouvent en elles leur nourriture spirituelle.

B) L’Église et les religions

L’universalité de la mission de l’Eglise

79 En remplissant sa mission, l’Église entre en contact avec des gens de traditions religieuses très diverses. Certains deviennent disciples de Jésus Christ, en son Église, au terme d’une profonde conversion et par une libre adhésion personnelle. D’autres sont attirés par la personne de Jésus et son message mais, pour différentes raisons, n’entrent pas dans son bercail. D’autres encore semblent n’avoir que peu ou pas d’intérêt pour Jésus. Mais, quoi qu’il en soit, la mission de l’Église s’adresse à tous les hommes. On peut considérer que, dans le dialogue, elle a un rôle prophétique par rapport aux religions auxquelles ils appartiennent. En rendant témoignage aux valeurs de l’Évangile, elle pose question à ces religions. De même, dans la mesure où elle porte la marque de limitations humaines, l’Église peut être remise en question de la même manière. Par le fait donc de promouvoir ces valeurs, en un esprit d’émulation et de respect pour le mystère de Dieu, les membres de l’Église et les membres des autres religions se retrouvent comme compagnons sur le chemin commun que toute l’humanité est appelée à parcourir. Le Pape Jean-Paul II le disait à Assise, à la fin de la Journée de prière, de jeûne et de pèlerinage pour la paix: «Voyons en ceci une anticipation de ce que Dieu voudrait voir se réaliser dans l’histoire de l’humanité: un cheminement fraternel dans lequel nous nous accompagnons mutuellement vers un objectif transcendant qu’il prépare pour nous»[17][18].

La voie du dialogue

80 L’Église encourage et stimule le dialogue interreligieux non seulement entre elle-même et d’autres traditions religieuses mais aussi entre ces traditions religieuses elles-mêmes. C’est une manière pour elle de remplir son rôle de «sacrement», c’est-à-dire «de signe et instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain» (Lumen gentium, 1). L’Esprit l’invite à encourager toutes les institutions et tous les mouvements de caractère religieux à se rencontrer, à collaborer et à se purifier afin de promouvoir la vérité et la vie, la sainteté et la justice, l’amour et la paix, dimensions de ce Règne que le Christ, à la fin des temps, remettra à son Père (cf. 1 Co 15, 24). Par là, le dialogue interreligieux fait vraiment partie du dialogue de salut dont Dieu a pris l’initiative[18][19].

C) Annoncer Jésus Christ

Prêcher et confesser

81 De son côté, l’annonce tend à conduire les humains à une connaissance explicite de ce que Dieu a fait pour tous, hommes et femmes, en Jésus Christ et à les inviter à devenir disciples de Jésus, en devenant membres de l’Église. Quand l’Église, obéissant au commandement du Seigneur ressuscité et aux mouvements de l’Esprit, remplit sa tâche d’annoncer, elle a souvent besoin de le faire de manière progressive. Un discernement est à opérer sur la manière dont Dieu est présent dans l’histoire personnelle d’un chacun. Les membres des autres religions peuvent découvrir, tout comme le font également les chrétiens, qu’ils partagent déjà, avec ceux-ci, beaucoup de valeurs.

Ceci peut alors mener à une remise en question sous la forme d’un témoignage de la communauté chrétienne ou d’une profession de foi personnelle, dans laquelle la pleine identité de Jésus est humblement confessée. Alors, quand les temps sont mûrs, la question décisive de Jésus peut être posée: «Qui dites-vous que je suis?». La véritable réponse à une telle question ne peut venir que de la foi. Proclamer et confesser, sous l’action de la grâce, que Jésus de Nazareth est Fils de Dieu le Père, Seigneur ressuscité et Sauveur, constitue la phase finale de l’annonce. Celui qui professe librement cette foi est invité à devenir disciple de Jésus, dans son Eglise, et à prendre sa part de responsabilité dans la mission de celle-ci.

D) Engagement dans l’unique mission

L’engagement personnel

82 Tous les chrétiens sont appelés à être personnellement impliqués dans ces deux façons d’accomplir l’unique mission de l’Église, à savoir l’annonce et le dialogue. La manière dont ils le font dépend des circonstances et aussi du degré de leur préparation. Ils doivent néanmoins toujours se rappeler que le dialogue, comme on l’a déjà dit, ne constitue pas toute la mission de l’Église, qu’il ne peut pas simplement remplacer l’annonce, mais reste orienté vers l’annonce; c’est en celle-ci en effet que le processus dynamique de la mission évangélisatrice de l’Église atteint son sommet et sa plénitude. En s’engageant dans le dialogue interreligieux, ils découvrent les «semences du Verbe» dans le cœur des hommes et dans les diverses traditions religieuses auxquelles ils appartiennent. En approfondissant leur connaissance du mystère du Christ, ils discernent les valeurs positives de la recherche humaine du Dieu inconnu ou connu partiellement. A travers les différentes phases du dialogue, les interlocuteurs éprouvent un grand besoin tant d’informer que d’être informés, de donner comme de recevoir des explications, et de se poser réciproquement des questions. Les chrétiens engagés dans le dialogue ont alors le devoir de répondre aux attentes de leurs partenaires concernant le contenu de la foi chrétienne et de porter témoignage de cette foi lorsqu’ils y sont appelés, de donner raison de l’espérance qui est en eux (cf. 1 P 3, 15). Pour ce faire, les chrétiens se doivent d’approfondir leur foi, de purifier leurs attitudes, de clarifier leur langage, et de rendre leur culte toujours plus authentique.

L’amour et le partage

83 Dans cette approche du dialogue, comment n’éprouveraient-ils pas l’espoir et le désir de partager avec les autres leur joie de connaître et de suivre Jésus Christ, Seigneur et Sauveur? Nous sommes ici au cœur du mystère de l’amour. Dans la mesure où l’Église et les chrétiens ont un amour profond pour le Seigneur Jésus, le désir de partager avec d’autres est alors motivé non seulement par leur obéissance au commandement du Seigneur, mais aussi par cet amour même. Que les membres des autres religions aient un désir sincère de partager leur foi, cela va de soi et ne saurait surprendre. Tout dialogue implique la réciprocité et vise à bannir la peur et l’agressivité.

Sous la mouvance de l’Esprit-Saint

84 Les chrétiens doivent toujours être conscients de l’influence agissante de l’Esprit Saint et être préparés à aller là où l’Esprit les mène, de par la Providence et les desseins de Dieu. C’est l’Esprit qui guide la mission évangélisatrice de l’Église. Il appartient en effet à l’Esprit d’inspirer l’annonce de l’Église et l’obéissance de la foi. Il nous revient d’être attentifs aux suggestions de l’Esprit. Que l’annonce soit possible ou non, l’Église poursuit sa mission dans le plein respect de la liberté, par le dialogue interreligieux ainsi que par le témoignage et le partage des valeurs évangéliques. De la sorte, les partenaires du dialogue progresseront pour mieux répondre à l’appel de Dieu dont ils ont conscience. Tous, les chrétiens tout comme les croyants des autres traditions religieuses, sont invités par Dieu lui-même à entrer dans le mystère de sa patience, lorsque des êtres humains cherchent sa lumière et sa vérité. Dieu seul connaît les temps et les étapes où s’accomplit enfin cette longue quête des hommes.

E) Jésus, notre modèle

L’exemple de Jésus,

85 C’est dans ce climat d’attente et d’écoute que l’Église et les chrétiens poursuivent l’annonce et le dialogue interreligieux avec un véritable esprit évangélique. Ils sont conscients que «tout concourt au salut de ceux qui aiment Dieu» (Rm 8, 28). La grâce leur a fait connaître qu’il est le Père de tous et qu’il s’est révélé en Jésus Christ. Jésus n’est-il pas pour eux le modèle et le guide dans leur engagement, tant pour l’annonce que pour le dialogue? N’est-il pas le seul qui, aujourd’hui encore, peut dire à qui est sincère en ses sentiments religieux: «Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu?» (Mc 12, 34).

Intimement unis au Christ.

86 Il ne s’agit pas seulement pour les chrétiens d’imiter Jésus, mais de lui être intimement unis. Il a invité ses disciples et amis à se joindre à lui dans son offrande unique en faveur de toute l’humanité. Le pain et le vin, pour lesquels il rendit grâce, symbolisaient la création tout entière. Ils devinrent son corps «donné» et son sang «versé pour la rémission des péchés». Par le ministère de l’Eglise, c’est la seule et même Eucharistie qui est offerte par Jésus en tout temps et en tout lieu, depuis le temps de sa Passion, de sa mort et de sa résurrection à Jérusalem. C’est ici que les chrétiens s’unissent au Christ lui-même en son offrande, «sacrifice qui sauve le monde» (IVe prière eucharistique). C’est une telle prière qui plaît à Dieu qui «veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité» (1 Tm 2, 4). Ainsi rendent-ils grâce pour «tout ce qui est vrai, tout ce qui est noble, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui est honorable, tout ce qui peut être vertueux et digne d’éloge» (Ph 4, 8). Ils y puisent la grâce de discernement afin d’être par là capables de lire les signes de la présence de l’Esprit et de reconnaître enfin les temps favorables et la manière propice pour annoncer Jésus Christ.

Conclusion

Une attention spéciale pour chaque religion

87 Ces réflexions sur le dialogue interreligieux et l’annonce de Jésus Christ ont voulu apporter quelques éclaircissements fondamentaux. Cependant, il importe de se rappeler que les diverses religions diffèrent les unes des autres. Il conviendrait donc d’apporter une attention spéciale aux relations avec les membres de chaque religion.

Des études spécifiques sur le rapport dialogue et annonce

88 Il importe aussi de faire des études spécifiques sur la relation entre dialogue et annonce en tenant compte de chaque religion particulière dans le cadre des aires géographiques déterminées et de leur contexte socioculturel. Les Conférences épiscopales pourraient confier ces études aux Commissions appropriées et à des Instituts de théologie et de pastorale. A la lumière des résultats obtenus par ces études, ces Instituts pourraient aussi organiser des cours spéciaux et des sessions d’études qui préparent tant au dialogue qu’à l’annonce. Une attention spéciale y sera donnée aux jeunes qui vivent dans un milieu pluraliste et rencontrent des croyants des autres religions à l’école et au travail, dans les mouvements de jeunesse et les autres associations, quand ce n’est pas dans leurs propres familles.

La nécessité de la prière.

89 Dialogue et annonce sont des tâches difficiles et néanmoins absolument nécessaires. Tous les chrétiens, dans les situations qui sont les leurs, doivent être encouragés à se préparer pour mieux réaliser ce double engagement. Cependant, plus encore que des tâches à accomplir, le dialogue et l’annonce sont des grâces pour lesquelles il faut prier. Que tous ne cessent donc pas d’implorer l’aide du Saint-Esprit, afin qu’il soit «l’inspirateur décisif de leurs plans, de leurs initiatives, de leur activité évangélisatrice» (Evangelii nuntiandi, 75).

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Pentecôte, 19 mai 1991.

Francis Card. Arinze, Président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux

Jozef Card. Tomko, Préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples.

[19][1] Texte français distribué par le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et la Congrégation pour l’évangélisation des peuples.

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* Le texte de Dialogue et annonce est le résultat de cinq années de travail par les dicastères concernés (le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et la Congrégation pour l’évangélisation des peuples). Il a bénéficié aussi des observations des Conférences épiscopales de par le monde qui ont pu étudier le texte entre 1987 et 1990. Dialogue et annnonce ne se refère à l’encyclique Redemptoris missio qu’une seule fois. La raison en est que le texte final du document était pratiquement prêt avant la publication de l’encyclique.

Pour une présentation de la genèse et du contenu de Dialogue et annonce faite par le cardinal Arinze, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, et le cardinal Tomko, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuple, voir le Bulletin du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, 1991-XXVI/2 (77), pp. 251-259.

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[1][2] Attitude de l’Eglise catholique devant les croyants des autres religions (Réflexions et orientations concernant le dialogue et la mission): AAS (Actes du Saint Siège) 76, 1984, pp. 816-828. Voir aussi Bulletin secretariatus pro non christianis n° 56 (1984).

[2][3] Cf. Insegnamenti di Giovanni Paolo II, vol. IX, 2 (1986), pp. 1249-1273, 2019-2029. Voir aussi Bulletin n. 64 (1987/1), qui contient tous les discours du Pape avant, pendant et après la Journée de prière à Assise.

[3][4] Insegnamenti di Giovanni Paolo II, vol. X, 1 (1987), pp. 1449-1452. Voir aussi Bulletin n° 66 (1987/3), pp. 226-229.

[4][5] Cf. Lignes directrices sur le dialogue, Genève, COE, 1979; Témoignage commun, Genève, COE, 1983.

** «Le dialogue n’est pas le monopole des seuls chrétiens! Les fondements d’un dialogue interreligieux se trouvent aussi au sein des autres religions. Témoin cet extrait d’un édit promulgué il y a bien longtemps, au IIIème siècle avant Jésus Christ, par Asoka, un roi bouddhiste: “On ne devrait pas honorer seulement sa propre religion et condamner les religions des autres, mais on devrait honorer les religions des autres pour cette raison-ci ou pour cette raison-là. En agissant ainsi, on aide à grandir sa propre religion et on rend aussi service à celles des autres. Ainsi la concorde est bonne: que tous écoutent et veuillent bien écouter les doctrines des autres religions”» (cf. Dennis Gira, Les religions, coll. «Parcours», Paris, Centurion/La Croix, 1991, p. 110).

[5][6] Puisque le patrimoine spirituel qui est commun aux chrétiens et aux juifs est si grand (cf. Nostra ætate, 4), le dialogue entre chrétiens et juifs a ses propres et spéciales exigences. Il n’en est pas traité dans le présent document. Pour s’en faire une idée complète, voir les travaux de la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme: Orientations et suggestions pour l’application de la Déclaration conciliaire «Nostra ætate» n° 4, 1er décembre 1974, La Documentation catholique, n. 1668 (19 janvier 1975), pp. 59-61; Notes pour une correcte présentation des juifs et du judaïsme dans la prédication et la catéchèse de l’Eglise catholique, 24 juin 1985. La Documentation catholique, n° 1900 (21 juillet 1985, pp. 733-738).

[6][7] La question des Nouveaux mouvements religieux est traitée dans un document récent publié conjointement par le Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, le Conseil pontifical pour le dialogue avec les non-croyants, et le Conseil pontifical pour la culture. Cf. La Documentation catholique, n° 1919 (1er juin 1986).

* Justin: «Moïse est plus ancien que tous les écrivains grecs. Tout ce que les philosophes et les poètes ont dit de l’immortalité de l’âme, des châtiments qui suivent la mort, de la contemplation des choses célestes et des autres doctrines semblables, ils en ont reçu les principes des prophètes, et c’est ainsi qu’ils ont pu les concevoir et les énoncer. Chez tous, il semble y avoir des semences de vérité» (Apologie, I, 44).

** Clément d’Alexandrie: «Dieu est la source de tous les biens, des uns de façon principale, comme les deux testaments, des autres de façon subordonnée, comme la philosophie. Mais on peut même dire que c’est à titre principal qu’elle a été alors donnée aux Grecs avant que le Seigneur ne les appelle: en effet, elle faisait l’éducation de l’hellénisme vers le Christ, comme la Loi faisait celle des Hébreux (…). Il n’y a certes qu’une route de la vérité, mais elle est comme un fleuve intarissable, vers lequel débouchent les autres cours d’eau venus d’un peu partout. (…). Et ce n’est pas seulement pour un seul juste qu’il dit qu’il y a plusieurs voies de salut; il ajoute qu’il y a, pour des foules de justes, des foules d’autres routes; il le fait entendre ainsi: “les sentiers des justes brillent comme la lumière”. Eh bien, les préceptes et les instructions préparatoires sont sans doute des routes, des mises en train de notre vie» (Stromates I, 28, 29).
«Si, de façon générale, toutes les choses nécessaires et utiles à la vie viennent à nous de Dieu, la philosophie davantage encore est donnée aux Grecs comme une Alliance propre à eux, étant un échelon de la philosophie du Christ» (Stromates, VI, 67, 1).
Sur Clément d’Alexandrie, on pourra lire l’article de Jean Comby, «Peut-on parler de dialogue interreligieux dans les premiers siècles de l’Eglise? L’exemple de Clément d’Alexandrie», dans Aubert (J.-M.) et Couvreur (G.), Mission et dialogue interreligieux, Profac, Lyon, 1991, pp. 85-98.

[7][8] Justin parle des «semences» jetées par le Logos dans les traditions religieuses. Mais ce n’est que par l’Incarnation que la manifestation du Logos devient complète (1 Ap 46, 1-4 ; 2 Ap 8, 1; 10, 1-3; 13, 4-6). Pour Irénée, le Fils, manifestation visible du Père, s’est révélé aux hommes «dès le commencement», et pourtant l’Incarnation apporte quelque chose d’essentiellement neuf (Adv. Hær., 4, 6, 5-7; 4, 7, 2; 4, 20, 6-7). Selon Clément d’Alexandrie, la «philosophie» fut donnée aux Grecs par Dieu comme une «alliance», une pierre d’attente à la philosophie selon le Christ, un «pédagogue» qui conduirait l’esprit grec à lui (Stromates, 1, 5; 6, 8; 7, 2).

[8][9] Adv. Hær., 3, 11, 8.

[9][10] Retract. ,1, 13, 3; cf. Enar. in Ps 118 (Sermo 29, 9); Enar. in Ps 142, 3.

[10][11] Cf. Insegnamenti di Giovanni Paolo II, vol. IX, 2 (1986), pp. 2019-2029. Voir aussi Bulletin n° 64 (1987/1), pp. 62-70.

[11][12] Jean-Paul II, Discours aux évêques indiens en visite ad limina, 14 avril 1989 (AAS [Actes du Saint Siège], vol. LXXXI, p. 1126).

[12][13] Cf. Insegnamenti di Giovanni Paolo II, vol. VII, I (1984), pp. 595-599; texte français dans Bulletin n° 56 (1984/2), pp. 142-145.

[13][14] Dans l’Eglise primitive, le Royaume de Dieu est identifié avec le Règne du Christ (cf. Ep 5, 5; Ap 11,15 ; 12,10). Voir aussi Origène, in Mt 14, 7; Hom. in Lc 36, où il appelle le Christ autobasileia, et Tertullien, Adv. Marc., IV, 33, 8: «In evangelio est Dei regnum, Christus ipse». Pour une juste interprétation du terme «Royaume», voir le Rapport de la Commission théologique internationale (8 octobre 1985): Thèmes choisis d’ecclésiologie, n° 10, 3.

[14][15] Cf. Ac 2, 32; 3, 15; 10, 39; 13, 31; 23, 11.

[15][16] Cf. Jn l5, 26 s.; 1 Jn 5, 7-l0; Ac 5, 32.

[16][17] Cf. 1 Th 2, 2; 2 Co 3, 12; 7, 4; Ph 1, 20; Ep 3, 12; 6,19-20; Ac 4, 13. 29. 31; 9, 27-28, etc.

[17][18] Cf. Insegnamenti di Giovanni Paolo II, vol. IX, 2 (1986), p. 1262; Bulletin n° 64 (1987/1), p. 47.

[18][19] Cf. Ecclesiam suam, ch. III. Voir aussi Insegnamenti di Giovanni Paolo II, vol. VII, 1 (1984), p. 598; texte français dans Bulletin, n° 56 (1984/2), p. 144.

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