Quelques points d’attention en vue d’un mariage entre une personne musulmane et une personne chrétienne (catholique)

C’est un fait : des couples se présentent à nous, dont l’amour a une histoire et est devenu projet de vie. Ils ont déjà pris leur décision. Ils envisagent une célébration religieuse à l’église catholique. Nous ne pouvons préjuger de leur qualité de foi ni d’humanité. Quel dialogue allons-nous engager avec eux?

Leur détermination ne peut en aucun cas dispenser le prêtre ou ceux qui sont chargés de la préparation au mariage, d’attirer l’attention sur les difficultés très fréquemment rencontrées par les couples islamo-chrétiens. Toutefois, à tout moment de la rencontre, il importe de faire l’effort nécessaire afin de rester objectif et de conserver un total respect des traditions chrétiennes et musulmanes auxquelles se réfèrent ces couples en formation.

1. Accueillir

A un moment où à un autre, il peut être souhaitable de rencontrer chaque conjoint à part, pour permettre une plus grande liberté de dialogue. La partie chrétienne doit être mise, de façon claire, en face des responsabilités qu’elle prend et que le conjoint musulman devra connaître, comprendre et respecter. Il s’agit bien sûr, de le faire avec tact pour ne pas compromettre l’établissement d’un climat de confiance, malgré le peu de temps disponible.

La partie musulmane peut éprouver quelques réticences en se trouvant devant un représentant de l’Église. L’accueillir suppose que l’on tienne compte de ses origines et de ses réactions. Religion, communauté, législation, organisation sociale, l’Islam est un tout: un musulman a cette conscience d’appartenir à la grande communauté musulmane ; il est toujours marqué plus ou moins consciemment par les valeurs et les perspectives venant de ses traditions, même s’il semble avoir pris une certaine distance à leur égard. Même incroyant, un musulman d’origine n’est jamais comme un incroyant de culture occidentale. Aussi la partie musulmane comprendra le mariage à travers la tradition de sa société d’origine.

Bien sûr, ces liens culturels et religieux seront différents selon qu’il s’agit d’une personne élevée dans un pays musulman et arrivée récemment en France ou de jeunes qui sont fils ou petit-fils d’immigré.

La partie catholique a souvent conscience de la situation particulière dans laquelle la met son projet de mariage. Elle s’apprête à franchir les murs de sa culture. Souvent elle va enfreindre les normes sociologiques de son milieu en épousant une personne d’une autre origine. Elle peut arriver quelque peu accablée par les reproches des siens. Dans cette tension, elle ne sera plus capable de porter un jugement objectif. Il se peut que son mariage avec un étranger soit ressenti comme une libération vis-à-vis d’un milieu conformiste et étouffant. Il se peut aussi que, dans le climat sécularisé que nous connaissons, la décision d’un(e) catholique d’épouser un(e) musulman(e) ne rencontre dans son propre milieu qu’une sorte d’indifférence ou une attitude de « tolérance » du genre « c’est son choix ».

Or, il n’est pas évident que cette personne soit informée avec sérieux des divers problèmes de la vie des couples mixtes. En particulier il existe habituel­lement une ignorance complète à propos des questions juridiques concernant le code de la famille et le statut de la femme (héritages, garde des enfants en cas de divorce, etc…

Ce point est particulièrement important dans le cas d’une chrétienne désirant épouser un musulman étranger dont le pays a passé des accords bilatéraux avec la France. Par exemple, la femme non-musulmane engendre des enfants à la communauté musulmane. Si le mari meurt, les enfants reviennent traditionnellement à cette communauté, plus précisément à la famille paternelle. Lorsque le mariage est légalement contracté dans un pays de tradition musulmane, la situation de la partie chrétienne est tributaire de la législation du pays.

Dans le cas d’un chrétien voulant épouser une musulmane, il faut savoir que ce cas est interdit par la loi religieuse musulmane. Cet interdit est repris par la plupart des législations des pays musulmans. Cependant, ces cas existent et nous ne pouvons les ignorer.
Un accompagnement du jeune couple

Il faut avant tout permettre aux deux jeunes de s’exprimer profondément et librement dans un climat dépassionné, pour rendre possible une approche objective de la réalité. Une attitude d’accueil et de soutien de la part du prêtre ou de ceux qui les accompagnent est un point d’appui important pour mener à bien le dialogue et suivre ce jeune couple par la suite. Mais cela ne doit pas estomper l’exigence de vérité et de prudence particulière que requiert un tel dialogue pastoral.

La demande est parfois faite d’une célébration « inter-religieuse » ou d’un mariage à la mosquée après le mariage à l’église. Il faut savoir que dans la tradition musulmane le mariage est un acte juridique, un contrat, et qu’il n’est pas célébré à la mosquée. La demande de symétrie ne peut être totalement honorée.

Le cheminement avec le jeune couple n’aboutira pas nécessairement à un mariage catholique avec disparité de culte. Les conditions requises ne paraîtront peut-être pas réunies pour le permettre. C’est pourquoi il faut d’abord orienter le dialogue pastoral sur l’histoire et le projet de vie du futur couple, avant d’envisager la réalisation de la célébration chrétienne.

2. Prendre conscience des différences et des difficultés

Le sentiment amoureux, la détermination de fonder un foyer, risquent d’occulter les importantes différences qui existent entre les deux futurs. Si l’on veut une vie de couple réussie, il faut bien les voir. Le fait d’appartenir à des groupes différents par l’origine, la religion ou la culture, crée des problèmes nouveaux. Ne pas les prendre au sérieux, fermer les yeux sur leurs conséquences inéluctables pour la vie du couple, serait de l’inconscience. Toute décision de mariage est un défi, a fortiori dans le cas d’un mariage islamo-chrétien.

Le service le plus important à rendre au jeune couple est de lui permettre de prendre conscience, loyalement, sereinement, ensemble, des distances culturelles et religieuses qui les séparent et qui demeureront, car on ne peut pas se refaire complètement. Ces distances, qu’ils minimisent spontanément dans l’enthousiasme de leur amour, ils ont et auront toujours à les assumer. Elles se manifesteront peu à peu et il n’est pas à exclure qu’une affirmation de l’identité propre se manifeste fortement à l’âge de la maturité. Il ne suffit pas d’en rester à la bonne volonté ou à la seule force du sentiment.

Au fil des jours, les futurs apprendront que les mêmes mots n’ont pas exactement le même sens pour chacun d’eux. Plus encore, ils vont découvrir qu’ils ne ressentent pas les choses de la même manière et ne leur donnent ni la même importance ni la même signification.

S’ils sont sincèrement croyants, ils seront amenés à découvrir que les nombreux points de convergence entre l’islam et le christianisme ne suppriment pas les différences en ce qui concerne la conception de l’homme et la relation à Dieu.

Le cloisonnement du monde musulman traditionnel entre la société masculine et féminine répugnera à la partie occidentale. Souvent c’est la famille de type patriarcal qui prime sur la famille restreinte au couple et à ses enfants.

Le problème de l’éducation religieuse des enfants se posera vite. Si la tradition musulmane fait une obligation au musulman de transmettre l’Islam à ses enfants, comment cela pourra-t-il se faire avec son conjoint chrétien qui tient aussi à partager sa foi avec ses enfants ? Les enfants seront pris dans le système éducatif d’un des deux milieux. Quelle place aura l’autre culture dans cette éducation ?

3. Assumer ces différences pour en faire des richesses

Il est bien certain que, de toute différence, on peut faire une plus grande richesse. Mais cela suppose d’en prendre les moyens avec cœur, intelligence et sagesse. C’est pourquoi n’est probablement pas donnée à tout le monde, du fait des grandes différences à assumer, la capacité de fonder un foyer islamo-chrétien. Il y a un discernement à faire naître. La construction d’un tel foyer requiert une créativité toute particulière. Ils ont, dans une certaine mesure, à inventer un style de vie qui leur soit propre. En gardant des liens étroits avec leurs familles, les conjoints prendront soin de conserver l’indépendance dont ils ont besoin. Ce qui exige beaucoup de tact, de délicatesse et aussi de détermination.

Comme c’est le cas pour tout foyer, mais plus encore ici, ils ne chemineront pas nécessairement au même rythme. Chacun devra respecter chez son conjoint ce qu’on serait tenté de nommer lenteur, hésitation ou peur. Il est indispensable de connaître et d’accueillir la tradition culturelle et religieuse de l’autre. Les rencontres entre couples islamo-­chrétiens pourront être d’un grand secours. Il existe d’ailleurs une association de ces foyers : le GFIC (cf. www.gfic.net).

Sur le plan religieux, le mariage islamo­chrétien peut être l’occasion d’un réel approfon­dissement de part et d’autre. La solution négative serait d’éviter ce sujet du fait des difficultés. Dans l’ambiance française de sécularisation, la tentation est grande d’un « nivellement par le bas ». Or c’est justement grâce à une vie spirituelle sérieuse que les jeunes époux pourront trouver la force de mener à bien leur projet commun.

La confrontation peut être source d’une plus grande exigence, et elle invite à approfondir sa propre tradition religieuse. La célébration en famille des fêtes religieuses des deux traditions est souvent une manière bien concrète de manifester, avec les enfants, le souci que chacun reste fidèle à ses propres sources et s’enrichisse de celles de l’autre. Ces couples auront, de fait, un rôle à jouer dans la rencontre islamo-­chrétienne.

4. Les engagements réciproques

Dans un mariage contracté dans l’Église catholique, les engagements requis sont ceux du mariage avec dispense de disparité de culte.

En ce qui concerne la partie musulmane, il faut d’abord rappeler que le mariage à l’église ne signifie ni conversion ni baptême. Les exigences posées sont d’abord l’abandon de certaines pratiques admises en Islam (répudiation. divorce, polygamie). L’engagement à la fidélité doit être bien clair. Aucune de ces exigences n’est incompatible avec l’islam.

Chacun s’engage en outre à respecter les obligations religieuses de son conjoint.

Il arrive, dans certains cas, que des pressions soient exercées sur le fiancé catholique pour qu’il prononce la profession de foi musulmane (Shahada). Il ne s’agit pas d’une simple formule administrative : cette profession de foi est toujours considérée comme un acte religieux par lequel l’intéressé devient membre à part entière de la communauté musulmane.

Il faut exhorter les deux fiancés à se protéger mutuellement contre ce genre de pression.

5. Le choix d’un mariage chrétien

Le prêtre ou l’accompagnateur sera attentif à un certain nombre d’éléments pour aider au discernement avec le couple : qualité spirituelle des deux futurs, chances d’harmonie, projet, avenir du couple…

Il peut arriver parfois qu’on ne puisse envisager qu’un mariage civil.

Au plan civil : Lorsque les époux sont de nationalités différentes, il importe de tenir compte des législations des pays concernés, et notamment des accords bilatéraux avec la France.

Au plan canonique, comme pour tout mariage, on est amené à se poser les questions suivantes :

  • y a-t-il déjà eu mariage antérieur ?
  • a-t-il été forcé par la pression sociale ?
  • y a-t-il possibilité d’un nouveau mariage célébré chrétiennement ?

· comment effectuer une recherche d’état libre ?

6. Propositions de déclarations d’intention

La déclaration d’intention est obligatoire pour les deux parties. Ces déclarations sont délicates à établir.

Les modèles ci-après sont donnés à titre indicatif. Des modalités diverses peuvent être envisagées : l’essentiel est que ces déclarations soient l’aboutissement de la réflexion du couple, qu’elles précisent leurs engagements respectifs et expriment les bases de leurs vies.

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